Sommaire
La Place Royale, Le Menteur, La Suite du Menteur de Pierre Corneille
sous la direction de Yohann Deguin et Bénédicte Louvat
Numéro spécial « Agrégation 2025 – Lettres modernes » no 3, 2024.
- Bénédicte Louvat et Yohann Deguin Introduction
- Liliane Picciola La distanciation à l’espagnole revisitée par Corneille
- Marc Douguet Le personnage de Cléandre dans La Suite du Menteur
- Marc Escola Finir la comédie. Les dénouements de La Place Royale et du Menteur
- Bénédicte Louvat La Suite du Menteur, vraie suite du Menteur ?
- Lauriane Maisonneuve L’éloquence du style naïf : quand la tirade comique se fait rhétorique
- Sylvain Garnier L’emploi des stances et autres vers lyriques dans La Place Royale, Le Menteur et La Suite du Menteur de Corneille
- Marine Roussillon Une lecture politique des comédies de Corneille est-elle possible ?
La Place Royale, Le Menteur, La Suite du Menteur de Pierre Corneille
La distanciation à l’espagnole revisitée par Corneille
Liliane Picciola
Introduction
1Nous avons hésité avant d’employer le terme de « distanciation » dans le titre de cette étude car il est anachronique. De fait, le Dictionnaire de l’Académie le définit aujourd’hui comme une « Technique théâtrale, prônée par le dramaturge allemand Bertolt Brecht1 ».
2Il nous a cependant semblé qu’employer le mot « distanciation » permettait une approche plus riche des phénomènes de prise de distance par rapport à la scène que celui de méta-théâtre, qui suppose que l’on parle ouvertement de théâtre sur scène. En particulier, il permet d’inclure les remarques par lesquelles un personnage, en cessant d’adhérer à son rôle, recherche une connivence avec le public, sans toutefois s’adresser directement à lui, ou bien incite à ne plus adhérer au rôle d’un autre personnage ; il permet aussi d’inclure dans la prise de distance la structure même d’une représentation, car celle des comedias compte des ruptures qui font réfléchir, et d’inclure également les brusques changements de registre ; enfin il autorise à inclure les parodies qui ne disent pas leur nom et qui, en elles-mêmes, dénoncent des techniques dramatiques.
3Depuis une cinquantaine d’années, quand les critiques espagnols parlent du théâtre du Siècle d’or, ils parlent volontiers aussi de distanciamiento.
4Au xviie siècle, dans l’opération française de diabolisation du théâtre espagnol, on a surtout retenu deux éléments du Nouvel art dramatique pour notre temps, que Lope de Vega, le premier, le plus prolifique, et le plus célèbre des auteurs de comedias nuevas, a publié en 1609 : d’une part le souci espagnol de la variété de tons, qui produit des œuvres monstrueuses, au sens étymologique du terme2 ; d’autre part le choix de mettre sous clef les préceptes dramatiques de l’Antiquité3, qui est ainsi justifié : « puisque c’est le vulgaire qui les paie [les comedias], il est juste / de lui parler son langage idiot pour le satisfaire4 » (v. 47-48). Cet argument pour justifier l’irrégularité a justement été choisi par Scudéry, le principal détracteur du Cid, pour clore une lettre publique aux Académiciens dans laquelle il appuie sur les grands théoriciens son argumentation contre la tragi-comédie de Corneille5. En revanche, on a peu prêté attention aux trois derniers vers de cet art dramatique, qui constituent une coda quelque peu provocatrice :
Écoute attentivement et ne discute pas de l’art,
Car dans la comedia on trouvera moyen,
Rien qu’à l’écouter, d’apprendre tout cela6.
5Ainsi les principes de poétique de Lope7 seraient souvent inclus dans ses pièces, beaucoup d’œuvres exhibant une dramaturgie consciente d’elle-même. Quand on a attaqué Le Cid à coups de ce Nouvel art dramatique, Corneille en a assurément lu le texte, mais il y a de très fortes chances qu’il l’ait connu bien avant, et ces vers ne lui ont sans doute pas échappé. Par ailleurs, au moins depuis 1636, en tout cas avant sa découverte de Guillén de Castro, il lisait des recueils de comedias : c’est en effet sous cette forme que paraissaient la plupart des pièces de théâtre d’outre-Pyrénées, souvent bien des années après leur première représentation, car la publication ne constituait pas une préoccupation pour les auteurs, qui se souciaient avant tout de l’accueil réservé à une œuvre par les spectateurs, très nombreux car la fréquentation des théâtres, dans les corrales8, correspondait à une habitude de vie populaire et festive.
6La pratique de la distanciation dans les comedias qui ont inspiré à Corneille Le Menteur et La Suite du Menteur nous semble avoir trouvé en lui un auteur préparé de longue date à l’accueillir : c’est à quoi sera consacré un premier développement, qui fournira aussi quelques données concernant le déroulement des représentations théâtrales en Espagne et assez bien connues en France. Nous nous intéresserons ensuite aux manières dont le gracioso contrarie l’illusion théâtrale en nous appuyant sur quelques comedias dont nous pouvons penser qu’elles n’ont pu échapper à la lecture de Corneille et à la façon dont celui-ci a exploité ces moments récurrents de lutte contre l’identification aux personnages dans la double incarnation de Cliton. Enfin nous examinerons comment, au-delà de ce rôle conventionnel et populaire, la connaissance des procédés méta-théâtraux présents dans beaucoup de comedias a pu conduire Corneille à faire de ses deux comédies à l’espagnole, particulièrement la seconde, des éloges vivants du théâtre qui contribuent à l’enjouement d’ensemble.
Corneille préparé de longue date à la pratique de la mise à distance
L’Illusion comique
7Bien avant Le Menteur et La Suite du Menteur, quand il a composé L’Illusion comique, Corneille a montré son attirance pour la mise en valeur de l’illusion théâtrale par sa dénonciation même. On considérera évidemment en premier lieu, comme exemple de pratique distanciatrice, la mise en abyme opérée dans l’acte V, quand, sous les yeux de Pridamant et d’Alcandre, eux-mêmes regardés par les spectateurs, Clindor est montré avec Lyse, Isabelle et Adraste en train d’interpréter une tragédie dont la fable présente bien des ressemblances avec les épisodes de leur vie antérieure. Mais, de plus, l’ensemble des actes II à IV, constitué de divers flash-back – comme en pratique Brecht –, permet d’assister à un ensemble hétérogène de séquences qui semblent ressortir à la pastorale dramatique (consultation d’un magicien dans une grotte), à la comédie improvisée italienne (avec Matamore), à la tragi-comédie (quand Clindor tue Adraste en se défendant, et quand il est emprisonné), à la comédie érudite (quand Isabelle s’affronte à son père, le vieux et sévère Géronte). Le père de Clindor, et le magicien commentent chacune de ces séquences. Questions : Clindor n’exercerait-il pas son métier d’acteur dès l’acte II ? N’est-ce pas Alcandre qui a raccordé subtilement diverses pièces jouées par Clindor, pour laisser l’impression d’une continuité, à l’hétérogénéité troublante ? Ou bien ce fils fugitif de Pridamant, qui sait écrire des vers pour les farceurs du théâtre de Bourgogne et composer des romans9, n’a-t-il pas lui-même imaginé une pièce dans des tons très divers et dans laquelle il a enchâssé une tragédie ?
8Nous avons déjà émis ailleurs10 l’hypothèse que le personnage picaresque de Clindor, pas toujours très honnête, qui fait danser un singe au faubourg Saint-Germain, pourrait s’inspirer du personnage de Pedro de Urdemalas, héros éponyme d’une comedia de Cervantes publiée en 1615. Pedro y apparaît comme une figure picaresque, dont l’esprit subtil le rend apte à tromper les gens par ses tours, mais qui trompe pour la bonne cause ; lui aussi décide, à la fin de la pièce, de devenir comédien11, métier pour lequel il a montré des dispositions remarquables dans divers épisodes de sa vie. Il se vante de devenir ainsi à la fois, patriarche, pontife, et étudiant, empereur et monarque, le métier de comédien englobant tous ces états12 (III, v. 736-740) ; et l’alcalde, qui le connaît, de s’extasier sur son beau costume… Quand on parvient au terme de la comédie, il est permis de se demander, exactement comme pour Clindor, si les séquences auxquelles on vient d’assister n’étaient pas déjà du théâtre… Or Cervantes était bien connu en France pour son Don Quichotte, dont les deux parties furent publiées en 1605 et 1614, avec des traductions françaises en 1615 et 1618. À Rouen, port marchand, une importante colonie espagnole13, dans l’ensemble fort riche, a favorisé dans cette ville la présence d’un grand nombre de livres écrits dans sa langue ; les nouveaux arrivants, au xviie siècle, étaient particulièrement cultivés par rapport à ceux des générations précédentes et à cette époque, il était alors d’usage courant, et très apprécié, de prêter des livres. Cette comédie14 a bien pu inspirer Corneille. Par ailleurs, celui-ci avait pour ami Rodrigue de Chalon, conseiller à la Cour des comptes de Rouen, dont la mère était espagnole.
La connaissance de la structure des représentations théâtrales en Espagne
9Ceux qui effectuaient des voyages en Espagne, comme le poète et épistolier Vincent Voiture ou l’évêque et romancier Jean-Pierre Camus15 pouvaient aussi décrire la structure des représentations tra los montes. Quand les Espagnols se rendaient au théâtre, ils avaient droit à un menu très consistant. D’abord ils entendaient une loa, sorte de prologue, qui prenait la forme d’un monologue ou d’un dialogue dans lequel étaient énoncées les intentions poétiques de l’auteur16. Puis on assistait au premier acte, ou plutôt à la première journée (jornada), formée par une suite de différents tableaux, sans souci de liaison entre eux, créant ainsi une impression de discontinuité. Cette action était bientôt interrompue par un intermède, c’est-à-dire une petite pièce en un acte qui constituait un véritable genre dramatique, généralement en vers, dont les protagonistes appartenaient au peuple : Lope de Vega la définissait comme un allègement comique (alivio). Parfois cet intermède consistait en une parodie de l’action de la comedia ; le genre avait acquis une véritable autonomie et l’on publiait des recueils d’intermèdes mais on les insérait souvent aussi dans des recueils de comedias. Après l’intermède, la deuxième journée reprenait le cours de l’action qui connaissait une nouvelle interruption : on donnait un ballet, souvent très amusant, parfois en rapport avec l’action, et auquel succédait enfin la troisième et dernière journée. Néanmoins, quand la pièce était terminée, on ne restait pas sur l’impression qu’elle procurait mais on donnait une mojiganga, sorte de parade masquée, burlesque et musicale, sur un texte court.
10Ces pièces intermédiaires servaient avant tout à distraire un public mêlé dont la partie la plus populaire supportait mal une action longue, même comique. Dans le troisième et le huitième recueil de comedias de Lope de Vega17, qui circulaient à coup sûr à Rouen, Corneille a notamment pu lire des textes de loas et des entremeses.
L’éducation chez les jésuites
11Comme Lope de Vega, comme Calderón de la Barca, Corneille a fait ses études chez les jésuites18, qui, suivaient la méthode d’enseignement, la Ratio studiorum, élaborée par Claudio Acquaviva (1543-1615), supérieur général de la compagnie fondée en 1540 par Ignace de Loyola.
12Dans les écoles des jésuites, le théâtre et les spectacles étaient considérés comme particulièrement formateurs du fait de leur statut d’images vivantes, et par là émouvantes : or les images d’une part et les mouvements intérieurs d’autre part faisaient partie de l’éducation, de l’exercice spirituel19 de chacun, pour parvenir à la pensée de Dieu. Dans le jeu des personnages, dans les postures imposées, l’élève voyait se dessiner sa destinée comme un chemin ; il se laissait jouer par ces images, il se déchiffrait lui-même à travers le jeu théâtral, qui le rendait conscient de ses conditionnements et de ses habitudes propices à une pensée routinière. Les masques empruntés dénonçaient ses propres masques intérieurs. C’est dans ce dynamisme que pouvait se structurer une pédagogie centrée sur la personne. De surcroît, on imposait à chaque élève la pratique personnelle du théâtre, qui était considérée comme éminemment formatrice. En effet, un élève-comédien disparaît pour que vive son personnage ; il refoule ses paroles personnelles pour prêter sa voix à des êtres de théâtre différents de lui ; il impose silence à ses propres sentiments pour faire parler ceux d’un autre, qu’il doit comprendre ; bref il se rend ouvert et transformable… Pour les jésuites, l’important, c’était la création d’un homme appelé à diriger, et donc à exercer un pouvoir par le corps et par le verbe ; pour ce faire, il devait avoir été amené au préalable à prendre conscience de la théâtralité de la vie. L’enseignement de la morale s’opérait également par la perception de l’action dramatique, et non pas à travers des notions abstraites de bien et de mal.
13Par ailleurs, la solide formation « classique » de Corneille, acquise dans les collèges de la compagnie, en faisait un familier de la dramaturgie comique de la latinité, qui présentait certaines convergences avec la structuration des spectacles de comedias en Espagne : ils comportaient des parties détachées de l’action comme le prologue, l’épilogue et, au sein de la pièce elle-même, l’alternance entre diverbia et cantica, au cours desquels on assistait à une dissociation entre les gestes d’une entrée de rôle codée et le chant assumé par un chanteur professionnel20. À cet égard, les stances de l’Alidor de La Place Royale, sont désignées par Corneille comme un épilogue, et elles se détachent du reste de la pièce par leur métrique. En ce sens, si l’on rapproche cet épilogue de ceux de Plaute et notamment celui de l’Asinaria21, ce n’est qu’une suite possible, qui permet de terminer sur une note optimiste, et d’éviter le parallélisme de deux désespoirs, mais pas davantage ; on n’est pas obligé d’adhérer à la vision des choses du héros éponyme et l’on peut imaginer pour l’avenir d’Alidor bien des événements qui ne correspondent pas au projet énoncé dans ses stances.
La lecture des Mocedades del Cid : la présence d’un gracioso
14Enfin Corneille a lu Las Mocedades del Cid pour composer sa tragi-comédie ; or ce premier volet d’un diptyque consacré à la figure mythique du Cid plaçait bel et bien notre auteur devant une pratique de la distanciation. En effet, la comedia de Guillén de Castro compte un personnage de berger qui contraste avec les mœurs de la Cour, avec le contexte de bravoure guerrière, avec les préoccupations d’honneur. Le berger est une figure traditionnelle de l’ingénuité, celle du bobo. C’est au cœur de l’action de la comedia, au milieu de la deuxième journée, qu’apparaît ce personnage inattendu. Quand le héros lance l’assaut contre les Mores, le berger se réfugie sur les hauteurs car il est peureux. Bien entendu, il ne saurait prendre part au combat, mais il le fait à sa manière ; il mime en effet la bravoure en jetant aux Mores un défi dérisoire : « Je parie que vous n’arriverez pas à monter jusqu’à moi d’un saut22 ? » En revanche, il apporte sur ce qu’il voit le commentaire du peuple :
Palsambleu, ils n’y vont pas de main morte, les chrétiens ! […] Et celui-là qui porte un panache jaune comme un coq sa crête, il s’escrime de belle façon ! Je vais raconter ça au curé. Parguienne ! Je ne tue pas autant de fourmis d’un seul coup de pied, et d’un seul coup de faucille je ne fauche pas autant d’épis qu’il fait tomber de têtes… Oh, fils de pute, il est tout éclaboussé de sang maure23…
15La rupture avec l’action s’opère aussi bien sûr par le brusque changement du niveau de langue.
16Il s’agit quasiment de distanciation stricto sensu car, lorsque le jeune héros part affronter les Mores, le public s’attend ou bien à voir un combat, certes difficile à représenter, ou bien à entendre un récit épique, tel que sera celui de Rodrigue dans Le Cid. Au lieu de cela, on ne voit que quelques guerriers, mores, puis chrétiens, traversant la scène, mais l’on bénéficie en revanche du récit du berger ; sans toutefois s’adresser directement au public, il exprime par sa position un point de vue qui surplombe l’action – comme il le souligne lui-même plaisamment : « Parbleu ! J’ai été bien aise de les regarder de loin : les affaires de ce genre, c’est de très haut qu’il faut les voir. » À ce moment, on n’a plus vraiment affaire à l’émouvant meurtrier du père de Chimène : le regard du berger en modifie la nature car il le fait devenir le personnage de légende qu’on connaît. Par l’irruption de son langage familier, par le geste de se réfugier sur un promontoire, et par le fait qu’il s’en félicite, le berger dénonce en même temps la position des spectateurs, qui ressemble beaucoup à la sienne, celle de ceux qui admirent sans agir. Ses commentaires distillent un avertissement indirect qu’on pourrait traduire par : « Ne vous identifiez pas au héros, ce n’est pas vous qui combattez, vous, vous, êtes plutôt du côté des bergers… » En ne s’assimilant pas au grand combattant à la manière d’un supporter, en se percevant à sa juste valeur, le berger révèle une certaine conscience de son comique.
17C’est dans la troisième journée qu’il passe du rôle de bobo à celui de gracioso. Entre temps, celui qui est devenu le Cid a été exilé par ordre du roi pour le meurtre du Comte malgré la gloire dont il s’est couvert. Nous avons la surprise de retrouver le berger aux côtés du héros. Visiblement fasciné par le grand guerrier, le berger semble s’être mis à son service, car une didascalie précise qu’il est alors « en habit de laquais », et on le découvre quand le Cid fait une halte en effectuant un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. Le berger commente parfois pour lui seul l’attitude de son maître. Ainsi s’exclame-t-il : « De toute ma vie, je n’ai jamais vu / un homme à la fois aussi dévot et aussi soldat24 ! » Mais il lui arrive aussi de critiquer directement son maître de manière à en faire rire en même temps qu’on l’admire :
Dans cette campagne, ta dévotion prête à rire : tu portes une armure dorée, dorées sont tes éperons, tu as un panache à ton chapeau, tu vas à cheval et tu tiens à la main un chapelet25.
18Bien plus préoccupé par la pause du déjeuner que par la guerre ou par la piété, il oppose au rythme de la vie du Cid son propre rythme, de Castillan ordinaire, avec d’humains besoins et d’humaines répugnances. La présence d’un lépreux lui coupe l’appétit alors que le Cid partage son repas avec le malade. On ne sait ce que devient ensuite ce berger-laquais, mais l’on a compris que, tout en le critiquant, il ne peut plus se séparer de Rodrigo. On saisit bien ici l’évolution du naïf extérieur vers le rôle de gracioso, plus proche du héros : c’est un rôle complexe que de flanquer un grand qui est difficile à comprendre, qui suscite l’étonnement et souvent l’admiration, qui fascine, mais qui semble aussi trop fou pour être imité. Le gracioso rit de lui-même en même temps qu’il rit de l’autre, et c’est cette conscience qui fait qu’il n’est pas ridicule au sens péjoratif du terme.
Des graciosos connus de Corneille : l’action principale mise à distance
19Si le berger est là pour parasiter l’assimilation du public au héros, s’il incite à une prise de distance et à la modestie, on ne peut cependant considérer qu’il donne la pleine mesure des possibilités offertes au gracioso dans le processus de distanciation par rapport à l’action dramatique, ne serait-ce qu’à cause du caractère historique de la pièce dans laquelle il apparaît.
La catégorie de comedias la plus propice à la distanciation
20Cette distanciation s’opère particulièrement dans la comedia de enredo, la comédie « intriquée » ; or Corneille, toujours en quête de nouveauté, s’est particulièrement intéressé à ce type de dramaturgie agitée. Ces pièces intriquées, que notre poète nomme aussi « implexes26 », présentent, dans le cas des comédies, un jeu sophistiqué de jalousies, de dissimulations verbales et physiques – on ment, on se voile, on se cache, on se déguise –, ainsi qu’une pratique à outrance du discours galant ; l’action se noue souvent à cause d’une coïncidence (exemple dans La Verdad sospechosa : une jeune fille rencontrée le matin par un jeune premier est justement celle que le père lui destinait) ; on se trompe. C’est donc l’artifice qui domine dans ce type de dramaturgie. L’écueil, c’est que toutes les fables dramatiques risquent de se ressembler. Pour ne pas lasser, pour ne pas procurer l’impression d’invraisemblance, il convient au contraire de souligner la présence de l’artifice et de s’en amuser : cette dénonciation fait partie intégrante du comique. Dans le cas du théâtre à sujet grave, la rupture de l’illusion a un caractère didactique ; elle devient distractive dans le cas du théâtre à sujet léger. Toutefois, dans la comedia, dont les sujets franchement historiques sont peu nombreux, les deux aspects se mêlent souvent.
21La figure du gracioso27 est sans doute celle qui nie le plus souvent la réalité de la fiction. Dans La Francesilla28 de Lope de Vega, le gracioso Tristán évoque la diversité des aspects qu’il peut prendre en se définissant lui-même comme une malilla : dans les jeux de cartes, dont on raffolait en Espagne, la malilla désigne le joker, donc le fou, le bouffon professionnel, qu’on appelle aussi comodín. Grâce à son contemporain et rival Rotrou, Corneille a pu apprécier des graciosos chez Lope de Vega, car cet autre grand dramaturge français du xviie siècle a imité beaucoup des comedias de celui qu’on appelait le Phénix en en faisant des comédies ou des tragi-comédies29. Des comédies « espagnoles » de Rotrou, jouées dès 1629, ont été publiées en 1635 et 163630 : l’auteur avait trouvé son inspiration dans cinq recueils différents de Lope. En dehors des comédies imitées par Rotrou, cette fréquentation de divers recueils amenait à en ouvrir d’autres.
22Le problème est que, dans la masse des comedias du Phénix, il n’est guère aisé de distinguer lesquelles Corneille a pu lire et il ne serait guère utile d’énumérer toutes les figures intéressantes de graciosos qu’il a été en mesure d’examiner. On peut néanmoins retenir trois figures dont nous pouvons avoir la quasi-certitude que Corneille les a connues : celle d’Hernandillo dans La Ocasión perdida, qu’a imitée Rotrou31 en composant Les Occasions perdues ; celle de Bordón, qui se trouve dans une comedia qu’inclut la XXIIe partie des comedias de Lope32, dans laquelle Corneille a trouvé les modèles du Menteur et de La Suite, et qui s’intitule Quien bien ama tarde olvida33 (« Qui aime vraiment oublie très tard ») ; dans le recueil, elle est d’ailleurs située juste entre les deux comedias qui ont inspiré Corneille. Enfin Corneille, ayant lu cette XXIIe partie des comedias, parue en 1630, on ne peut penser qu’il se soit arrêté en si bon chemin : une dernière partie des comedias de Lope ayant paru en 1635 (date de décès du grand poète), on peut très raisonnablement penser que notre poète a tenu à connaître cette ultime production du prodige d’outre-Pyrénées, auteur de plus de mille comedias, qui ne furent pas toutes publiées ; or ce recueil34 contient La Noche de San Juan (« La Nuit de la Saint-Jean »), qui recèle des éléments très instructifs, dans tous les sens du terme, en matière de distanciation.
23Les graciosos sont extrêmement attachés à leur maître et réciproquement. Celui de L’Occasion perdue a été élevé par les soins de Don Juan ; le Bordón de Qui aime vraiment, hidalgo appauvri, est défini par son maître comme loyal, courageux et discret ; le Tello de La Nuit de la Saint-Jean prend toujours la défense de son maître. On sait que Cliton est un « vieux domestique », donc qu’il est attaché à la famille de Dorante depuis longtemps ; on apprend dans La Suite qu’il a cherché son jeune maître pendant des mois, après sa fuite loin de Paris, ce qui est forcément une idée que Corneille n’a pas trouvée chez Lope … Par ailleurs dans La Verdad sospechosa, le valet est autant attaché au vieux Beltrán, avec lequel il entretient une relation privilégiée, qu’à son fils, alors que Corneille, dans une pratique plus espagnole que celle de l’Espagnol35, lie plus étroitement Cliton et Dorante. C’est dans cette structure d’union indissoluble qu’il faut penser la fonction du gracioso.
Modalités de désolidarisation de l’action principale appliquées par le gracioso
24On assiste à une prise de conscience du caractère conventionnel de l’entente ou de la dispute entre amants quand le couple principal est redoublé par celui que forment les domestiques. Dans La Nuit de la Saint-Jean, Inés, camériste, justifie ainsi auprès de sa maîtresse Leonor que le gracioso Tello ait des vues sur elle : « Te paraît-il nouveau / que là où regarde le seigneur / le serviteur suive son exemple36 ? » De même, la comedia Qui aime vraiment fait entendre un écho déformé des amours des maîtres dans la relation entre Tecla et Bordón, quasiment systématiquement. Bordón, le gracioso de la comedia souligne en effet la ressemblance entre servante et maîtresse : « Déjà Tecla est, comme Aurore, / toute en gravité, tout en changement / Car la servante danse / au son que joue sa maîtresse37. » Bordón, au moment de se séparer de Tecla pour accompagner son maître à la guerre, se lance dans une liste hétéroclite et sans fin des cadeaux qu’il lui rapportera, la graciosa ne croyant guère au reste à cet engagement qui se soucie peu d’être cru, mais qui reflète d’une manière concrète les promesses de fidélité de maître à maîtresse. Le même parallélisme des couples se remarque dans Amar sin saber a quién et La Suite du Menteur. Ainsi Cliton, mi-sérieux mi-badin, s’empresse d’entamer une relation amoureuse avec Lyse dès qu’il sait que la maîtresse de cette dernière a déclaré son amour à Dorante et que celui-ci, sensible à la démarche, lui écrit une lettre. L’on perçoit bien toutefois que c’est sans y croire vraiment qu’il attire l’attention sur sa personne (rappelons que c’est un « vieux domestique ») et qu’il formule sa proposition. De plus, alors que La Verdad sospechosa ne comporte aucun couple de valets, Corneille en ébauche un dans Le Menteur en créant le personnage d’une domestique de Lucrèce, Sabine, qui, quoiqu’elle le traite avec dédain, laisse pressentir une association avec Cliton – d’autant plus qu’elle lui a fait un « secret entretien », révélant que c’est Clarice qui, la nuit, parlait à la fenêtre et qu’il admire déjà son art de faire pleuvoir les pièces : preuve que le procédé espagnol du couple parodique ne déplaisait pas à notre poète. Tant que l’union de Dorante et de Lucrèce est incertaine, celle de Sabine et de Cliton ne saurait exister.
25On remarque d’autre part que les graciosos reproduisent à une autre échelle, et à mauvais escient, les excès verbaux des maîtres, dont les paroles révèlent ainsi leur artifice. Bien qu’il soit hidalgo, Bordón, dont le nom signifie « répétition », « refrain », s’attire le rire quand, dès la première scène, conseillant sans crier gare Ludovico, un ami du prince Alberto, qu’il ne quitte jamais, il fait se succéder vingt-cinq propositions dont la première commence par « no » et toutes les autres par « ni », placé en tête de vers. Les refrains apparaissent donc comme la caractéristique personnelle de son expression, d’autant plus que cette interminable tirade est suivie d’une autre dans laquelle treize vers commencent par la préposition « a » ; mais l’on découvre bien vite qu’il ne s’agit là, en fait, que d’une reprise de la manière qu’a le prince Alberto de s’exprimer, manifestant un goût prononcé pour les anaphores et s’entendant à multiplier les adunata dans une seule tirade pleine de virtuosité (la neige s’enflammerait, le feu attaquerait l’eau, la mer s’assècherait, le ciel perdrait ses étoiles, la terre deviendrait légère, le vent se mettrait à peser lourd, le temps inverserait son cours et le soleil deviendrait noir avant qu’il ne cesse d’aimer) ou de répéter sans se lasser, comme Bordón, la même formule, pour dire la fidélité de sa passion : « Je suis celui qui… ». Nous donnons ce texte en note sans le traduire pour bien faire apparaître le caractère mécanique du procédé38. Si Bordón recourt encore par deux fois au procédé de la répétition interminable, il ne fait décidément que dénoncer l’automatisme poétique de son maître.
26Ce dernier transforme même en tic son habitude du lyrisme sur la fin de la comedia, au moment où il est transporté de bonheur, en s’adressant à Bordón : ce dernier, entendant cinq fois prononcer son prénom de Bordón en tête de vers lui demande s’il bourdonne39… Rappelons-nous la parodie des paroles des maîtres que Corneille place dans la bouche de Cliton et dont seul le premier vers se rencontre déjà sous la plume de Lope (I, 2, v. 222-226) :
Nos maîtres font l’amour, nous le ferons aussi40.
J’aurai mille beaux mots tous les jours à te dire ;
Je coucherai de feux, de sanglots, de martyre ;
Je te dirai : « Je meurs, je suis dans les abois,
Je brûle… »
27Pour Cliton, il s’agit ostensiblement d’un jeu car il se méfie des intentions et de la personne de la mystérieuse bienfaitrice. C’est un pur moment de distraction offert aux spectateurs, et qui empêche ensuite d’adhérer pleinement au discours galant du maître. Au reste, Lyse renchérit sur le divertissement, aux dépens des propos hyperboliques de leurs maîtres respectifs quand elle feint de donner une leçon de galanterie à Cliton, qui réclame des signes tangibles d’attachement (V, 1, v. 1625-1627) :
Eh quoi, pauvre ignorant, ne sais-tu pas encore
Qu’il faut suivre l’humeur de celle qu’on adore,
Se rendre complaisant, vouloir ce qu’elle veut ?
28Cette séquence plaisante permet à la comédie de ne pas sombrer dans un sentimentalisme excessif.
29Dans Le Menteur, et sans imiter en quoi que ce soit le Tristán de La Verdad sospechosa, ce ne sont pas des excès verbaux que Cliton reproduit dans les vers 1279-1290 à l’intention de Sabine, mais le ton de donneur de leçons que Dorante prend volontiers et non sans suffisance :
Le ciel fait cette grâce à fort peu de personnes :
Il y faut promptitude, esprit, mémoire, soins,
Ne se brouiller jamais, et rougir encore moins41.
30Dans La Ocasión perdida, Hernandillo souligne l’irréalité des personnages qui l’entourent, celle de son maître surtout. En révélant que son maître et lui sont démunis de tout et meurent de faim, ce que son maître cachait par discrétion, il parvient tout de même à plaisanter sur cette faim de manière livresque, et il présente alors leur existence comme issue d’une histoire de bergers :
Nous menons une très bonne vie.
Comme une histoire de bergers
car jamais dans tout un livre
ils ne dorment, ni ne mangent et on ne fait
que parler de jalousie et d’amours42.
31Hernandillo s’indigne par ailleurs de ce que, depuis deux mois, son maître, en amoureux transi, ne rencontre Doriclea43 que la nuit et il lui demande si c’est avec une chouette ou un hibou qu’il parle d’amour. Le gracioso procède à une critique argumentée des rencontres nocturnes alors que Lope est justement célèbre pour son poème d’éloge de la nuit, paru en 1609 dans la troisième édition de ses Rimas humanas. De surcroît, cette dame ne vient que voilée. On reconnaît ici la thématique du mystère suspect que peuvent recouvrir un voile, la nuit, l’anonymat, plus abondamment développée encore dans Amar sin saber a quién et La Suite du Menteur : pour les graciosos la plus grande méfiance est alors de mise.
32Dans La Nuit de la Saint-Jean, Inés et Tello critiquent beaucoup les discours et les comportements improductifs de leurs maîtres. Au désespoir devant Léonor évanouie, et qu’il croit morte, Don Juan tient des propos hyperboliques. Il se lance dans une très longue tirade : le soleil, les étoiles vont disparaître ; il demande à tous les éléments de se plaindre avec lui, il invoque les pôles, l’eau, le feu, la terre, les étoiles la neige. Le gracioso raille alors (v. 489-491) :
Tello
Je ne t’ai jamais vu enfiler
avec des éclairs et des tonnerres
autant de folies à la fois44.
33À la fin de l’acte III, le même Don Juan, au moment où il assiste à l’engagement de celle qu’il aime à un autre, ne sait qu’entamer un discours d’une conventionnelle gravité : « L’amour, Messieurs dans la force tyrannique45… » Le gracioso Tello l’interrompt en lançant une formule qui vaut pour d’autres discours sentimentaux déjà entendus : « Quel début stupide46 ! » Il faut dire qu’il est alors urgent pour Don Juan d’intervenir. Le procédé est le même, urgence mise à part, quand Cliton critique la prière de Dorante au portrait de Mélisse, qui n’existe pas dans Amar sin saber a quién, et qu’il entend formuler des vœux « plus courts et plus commodes ».
34Après l’intervention de Tello, Don Juan parle avec un peu plus de force et de sincérité et débloque l’action, qui peut ainsi trouver son issue. Avec les excès de scrupules qui caractérisent les maîtres, une pièce ne peut ni avancer ni se terminer. Le gracioso se fait souvent comme ici moteur indirect de la comedia, mais Corneille visiblement ne veut jamais aller jusque-là, ses héros ne se montrant jamais pusillanimes.
35Cette interruption et cette remarque de Tello reprennent comme en écho un dialogue qu’on a entendu entre Doña Leonor et sa servante Inés au cours de l’acte II. Alors que Léonor, la maîtresse, vient d’énoncer son intention de se jeter par la fenêtre si Don Juan partait, sa camériste intervient pour réorienter plaisamment ses paroles et sa pensée :
inés
Tu as été peu pertinente
dans ce dialogue stupide.
Doña Leonor
Eh bien, écoute un monologue
qui traduit mes malheurs.
inés
Non, parbleu, car de tels effets de style
apportent peu de satisfaction
et tu vas perdre en invention
Ce que tu peux gaspiller en concepts.
Plus ou moins, je sais déjà
Tout ce que tu peux me dire47.
36Il est difficile de ne pas prendre ses distances par rapport à la sentimentalité excessive d’une héroïne quand on a entendu des propos aussi désabusés.
37Ni le Tristán de La Verdad sospechosa ni le Cliton du Menteur ne remettent en cause le mode d’expression des sentiments de leurs maîtres, qui n’ont rien de pathétique ; en revanche, tous deux manifestent quelque insolence quand ils les prennent en faute de brio, notamment quand García et Dorante oublient le nom inventé qu’ils ont donné au père de la jeune fille imaginaire qu’ils auraient épousée en province. Lorsque Dorante essaie de justifier la prétendue résurrection d’Alcippe dont il a affirmé qu’il l’avait tué en duel par des mensonges plus énormes que les précédents et aisément démontables, Cliton raille ouvertement cette évidente affabulation tandis que Tristán garde pour lui ses moqueries, les formulant en a parte48. Critiqués par leurs valets, les maîtres attirent sur eux-mêmes les rires du public…
38Une autre manière encore de se démarquer de l’attitude des maîtres et de l’excès qu’ils mettent dans leur manière d’envisager leurs amours est à l’œuvre dans El premio del bien hablar49 : entendant Juan et Leonarda qui se querellent dans une parfaite symétrie, en se partageant une série d’octosyllabes à égalité, à raison de quatre syllabes chacun, le gracioso Martín, se met à railler l’artifice de leur dialogue : « On dirait des comédiens, car ils savent bien leur rôle50. »
La pratique de l’autoréflexion dans la comedia et son exploitation par Corneille
39Cependant c’est aussi bien des protagonistes que des domestiques que viennent les allusions plus précises à la représentation théâtrale en train de se donner, à l’auteur de la pièce, à certaines de ses autres œuvres51, à la composition dramatique elle-même. On note à cet égard l’extrême discrétion montrée par Corneille pour renvoyer à l’une de ses œuvres dans Le Menteur, quand, après s’être entretenu avec Philiste (ou Argante avant 1660), à l’acte V et avoir découvert la manie du mensonge chez son fils, Géronte se plaint dans un monologue en lequel on reconnaît bien des traits de celui auquel se livrait Don Diègue dans Le Cid, et le « Êtes-vous gentilhomme ? » lancé par ce vieux père à Dorante ne peut qu’évoquer « Rodrigue, as-tu du cœur ? » Songer à l’action du Cid, c’est objectivement s’éloigner de celle du Menteur… Quant à La Suite du Menteur, elle fait évidemment une place extrêmement importante à la comédie dont elle est censée prendre le relais pour nous entraîner sur la piste de Dorante sans que jamais l’auteur n’en soit toutefois nommé.
40Rapprocher telle situation d’une situation connue d’une œuvre littéraire ou dramatique, c’est en même temps révéler le statut fictif de celle à laquelle on est en train d’assister. Dans Amar sin saber a quién, Inés, la camériste, raille sa maîtresse et son comportement romanesque, qu’elle juge dignes des romances52, tandis que Leonarda s’amuse de sa culture, tout comme, dans La Suite du Menteur, Mélisse s’amusera de celle de Lyse, qui se révèle une lectrice attentive de L’Astrée, décelant chez sa maîtresse et chez Dorante un mode de pensée analogue à celui de certains bergers d’Honoré d’Urfé, notamment Silvandre53. En soulignant la parenté des protagonistes avec ces êtres de fiction, Lyse dénonce leur propre caractère fictionnel et va jusqu’à s’inclure elle-même dans cette famille pastorale et idéaliste.
41En revanche, Amar sin saber a quién ne contient pas d’allusion à une comedia. Corneille n’y trouvait qu’une référence à des vers de Lope placée dans la bouche du gracioso Limón :
Ton âge est un joli tour de magie
dit quelque part Lope dans ses rimes,
sonnet soixante-cinq54.
42Ainsi, de son propre chef, Corneille, a ajouté à la fable dramatique de Lope de Vega un double dispositif qui déplace l’imagination des spectateurs vers deux scènes, sur lesquelles se déroule une action dramatique : sur la première, évoquée par Cliton dans l’acte I, est représenté un spectacle qui a déjà été joué à Paris et qui s’y joue encore, celui du Menteur ; sur la seconde, suggérée également par Cliton avant l’édition de 166055 (qui a presque entièrement effacé ce dispositif), il faut imaginer un spectacle qui pourra avoir lieu et fera voir, peut-être retravaillée, l’action à laquelle on vient tout juste d’assister. Cette double évocation d’une scène de théâtre encadre en quelque sorte l’action de La Suite. Dans la mesure où Corneille éliminait l’action secondaire d’Amar sin saber a quién, il disposait de place pour réaliser un hommage au théâtre, dans la veine souvent parodique de celui de L’Illusion comique : il avait pour avantage de tirer vers le comique une action très sentimentale. Si à cet égard Corneille n’a rien emprunté directement à Lope de Vega, nous formulons cependant l’hypothèse que sa très grande familiarité avec d’autres comedias lui a montré les vertus distractives d’un appareil méta-théâtral important et lui a suggéré de réaliser dans La Suite du Menteur un système d’échos procurant un aussi agréable vertige.
43Ainsi, dans La Nuit de la Saint-Jean, dont l’action se révèle compliquée car on a affaire à deux triangles amoureux, dont certains actants profitent de la nuit de fête pour échapper à la destinée qu’on a programmée pour eux, on trouve une longue évocation de festivités théâtrales. Celles-ci vont se donner dans des jardins proches du Prado et elles servent un peu de toile de fond à l’action. La description qui est consacrée aux préparatifs des représentations concerne l’aspect matériel du théâtre, installé dans un parc (I, v. 565-582) : placée dans la bouche d’un galán émerveillé, elle constitue un hommage indirect au duc de Olivares qui a commandé ces réjouissances pour Philippe IV. La présence d’une scène sur laquelle on va représenter successivement deux comedias favorise une réflexion sur l’action présente, qui est bien digne de ce que l’on peut faire voir sur les tablados56 installés dans ce parc magnifique. De surcroît, l’agitation de la fête, de laquelle participent les représentations, et qui empêche les deux couples fugitifs de se retrouver, produit le même effet que la volonté d’un dramaturge qui imagine des obstacles pour gêner les protagonistes dans leurs projets.
44Mais, au-delà de la représentation en soi, la fabrique du texte joué est, elle aussi, invoquée dans cette comedia. Dans les vers 583-591, Don Juan nomme les auteurs d’une première comedia qui va être représentée en cette nuit de la Saint-Jean par la troupe de Vallejo, célèbre dans la réalité madrilène : ce sont Francisco de Quevedo pour les journées I et III, et Antonio Hurtado de Mendoza pour la journée II. On sait au reste que la pièce issue de cette collaboration fut effectivement représentée en 1634 et s’intitulait Quien más miente medra más (« Plus quelqu’un ment, plus il fait fortune »).
45De surcroît, Don Juan, le principal héros masculin de cette Nuit de la Saint-Jean, indique qu’après une collation dans les mêmes jardins, va se jouer une seconde comedia, de Lope de Vega cette fois, et qui semble s’intituler La Noche de San Juan, ce qui suggère, mais suggère seulement, une mise en abyme, exactement comme dans la dernière scène de la version initiale de La Suite du Menteur. Deux couples fugitifs, deux comedias… Lope se fait nommer lui-même à deux reprises plaçant aussi dans la bouche de son héros le nom d’un second comédien, et directeur de troupe, Avendaño57 :
Quand ils seront assis, Avendaño va donner
une comedia, qui, je crois,
est le portrait de cette nuit,
dans la toile compliquée de laquelle
Lope a puisé son invention58,
et qu’il a travaillée et composée,
tout entière en cinq jours59.
46Avec « le portrait de cette nuit », Lope cite ainsi indirectement la comédie même à laquelle on assiste, et Corneille, dans La Suite, confie à Cliton la mission d’évoquer Le Menteur dans lequel jouaient et sont censés jouer encore plusieurs acteurs et personnages… que le public a justement sous les yeux.
47La seconde héroïne de La Nuit de la Saint-Jean, Blanca, pense qu’elle constitue un modèle possible pour une pièce de théâtre, exactement comme le Dorante de Lyon qui saisit une hypothèse de Cliton60, pour s’enthousiasmer à l’idée que l’aventure qu’il vient de vivre avec Mélisse, Cléandre et Philiste puisse constituer la matière d’une nouvelle comédie. En effet, comme sa domestique Antonia lui suggère de se distraire en lisant un recueil de théâtre, Blanca réagit fortement :
Antonia
Prends le livre que voici :
Des comedias.
Doña Blanca
Pourquoi ?
Car s’il parle d’amours, je sais
qu’il peut les chercher en moi.
As-tu déjà vu de ces passions
si vives chez deux amants ?
Alors dis aux acteurs
qu’ils viennent pour me dérober des passions61.
48Elle n’a pas tort, puisque la pièce de Lope jouée par Avendaño propose une action compliquée, à l’image de la nuit qu’on est en train de vivre…
49Dans la dernière scène de La Suite, comme s’il parodiait le comportement des doctes, les « grands réguliers62 », Cliton se montre étonnamment vétilleux en s’intéressant à la constitution des couples au dénouement. C’est in medias res que Tello, lui, fait mine de critiquer la conduite des événements, ainsi vécus comme s’il s’agissait d’une fiction ; il insiste beaucoup sur la structure de la pièce en en parlant non pas comme d’une pièce de théâtre mais comme d’un ballet :
Je n’ai jamais vu de chassé-croisé aussi mal fait
Dans tous les ballets qu’on a représentés,
Car ils commettent des erreurs des deux côtés :
Puisque Léonor aime Don Juan
Et que, si je ne m’abuse en cela,
Blanca n’aime pas Don Luis,
C’est donc un ballet mal réussi63.
50Quant au maître de Tello, Don Juan, il s’émerveille devant le nombre d’événements survenus en une nuit et il en conçoit quelque fierté, comme le García d’Alarcón, ou le Dorante du Menteur de Corneille64, qui s’étonnent de l’abondance de leurs propres aventures. Bien que les événements soient peu réjouissants, Don Juan se voit plus clairement encore que les protagonistes respectifs de La Verdad sospechosa et du Menteur en héros de roman :
Don Juan
Par Dieu, quel plus étrange
bouleversement est jamais arrivé
à quiconque, et je sens que s’épuise
ma patience quand je me figure
qu’il est possible que tant de malheurs
tiennent en une seule nuit !
Tello
Si c’en avait été la fin,
C’eût été un bonheur.
Don Juan
Moins variées sont les aventures contées
de sa Chariclée par Héliodore ;
celles de Théagène se passent
en des années mais les miennes
en une seule nuit65.
51Autant souligner, à destination des défenseurs espagnols de l’Antiquité classique66, que cette fois la comedia suit la règle d’unité de jour, qui, plaisamment, serait ici plutôt de nuit ! Ailleurs des allusions à la théorie dramatique sont encore étonnamment placées dans la bouche d’un laquais : comme référence d’autorité qui pourrait lui faire peur, le Hernandillo de L’Occasion perdue ne trouve personne d’autre à nommer qu’Aristote ! Dans La Noche de San Juan, l’épilogue, confié à Don Pedro, se fait railleur en matière de respect de la poétique aristotélicienne :
Ainsi s’achève la comedia
De la nuit de la Saint-Jean
Car si l’art s’agrandit
Jusqu’à donner par ses préceptes
Au poète, comme espace,
Et par faveur, vingt-quatre heures,
Celle-ci se passe en moins de dix67.
52On notera que Lope a également composé une comédie, publiée en 1617, qui s’intitule Lo que pasa en una tarde (« Ce qui se passe en un après-midi ») ! De même, Cliton jouera les sentencieux, parodiant les doctes et puristes français, quand il demandera si la représentation des dernières aventures de son maître ne se heurterait pas à la règle d’unité de jour : « Mais peut-on l’ajuster dans les vingt et quatre heures68 ? » À quoi Dorante répond par un désinvolte « Qu’importe ? »…
53Même l’allusion à l’acteur Jodelet peut devoir quelque chose à l’habitude de lire des textes espagnols. Il arrive en effet à Lope de Vega, comme à d’autres poètes dramatiques du Siècle d’or, de nommer dans le dialogue l’acteur qui est sur la scène, notamment celui qui était considéré comme un très grand farceur, l’acteur Juan Rana. Bien avant Jodelet, ce Juan Rana devint célèbre au point de constituer le sujet de nombreuses pièces, évidemment des entremeses, dont certains furent, au reste, composés par lui-même. Dans Lo que ha de ser, qui figure dans le même recueil que les deux comedias imitées par Corneille, il incarnait, comme souvent, non pas un gracioso mais un personnage de maire (alcalde) – un paysan, et non pas un valet – qui déclinait son identité de… comédien quand on lui demandait son nom !
Alejandro
Comment vous appelez-vous ?
Alcalde
Moi, Monsieur ?
Alejandro
Vous, bien sûr.
Alcalde
Moi, Monsieur, Juan Rana.
Alejandro
Eh bien, dites-leur de danser.
Alcalde
Hola !
Le roi dit que vous dansiez69 !
54Juan Rana70 n’était pas enfariné à la manière de Jodelet mais c’était un acteur immédiatement identifiable, quasiment nain, comme le montre un portrait anonyme qui fut fait de lui à cette époque, au visage rond et blême, avec un costume et des attributs reconnaissables (une plume au chapeau, une grenouille à la main). Lui aussi se caractérisait par un curieux « ton de voix71 », la sienne ressemblant à celle d’une femme. Quand un autre acteur devait jouer le rôle de Juan Rana, on changeait le texte pour que le personnage portât bien le nom de l’acteur qui l’incarnait. À vrai dire, ce n’est pas dans les dramaturgies de Lope de Vega que le célèbre comédien apparaît le plus souvent : Lo que ha de ser semble avoir été la première et la seule occasion de son apparition dans les comedias du Phénix mais, dans les années 1640, il était devenu un acteur célébrissime, que ne pouvaient manquer de citer ni les Espagnols de Rouen ni les hispanisants comme d’Ouville72 et lire son nom dans une pièce attribuée à Lope devait susciter une forte réaction.
55De surcroît, les formules méta-théâtrales étaient très volontiers placées dans la bouche des graciosos quand ils étaient incarnés par des acteurs très connus et donc très reconnaissables, parmi lesquels ce Juan Rana, parfois sous son nom réel de Cosme, notamment dans des comedias de Calderón, souvent imitées en France à partir de 1639, parfois sous un autre. Dans El monstruo de la fortuna, comedia collaborative73, le gracioso Calabrés, déclare :
On n’entendrait pas par Dieu,
De la bouche d’une infante de comedia,
Des raisons mieux étayées74.
56Et un peu plus loin, un couple parvenant à se marier dès la fin de la première journée, le même s’écrie :
Puisqu’ils sont mariés, que s’arrête
La comedia75 !
57Surtout, au sein de cette comedia, Calabrès indique qu’il va demander à la reine une alcaldía, un poste de maire, ce qui constitue quasiment une preuve que ce gracioso était incarné par Rana car ce dernier était justement spécialisé dans des rôles d’alcalde comique76 et ce qui dénonce son rôle. Sans cesse, le personnage qu’il joue sort de lui-même pour redevenir l’acteur.
58Le second Cliton ne se présente pas sur scène en donnant ouvertement son nom d’acteur – ce qu’un Juan Rana ne faisait pas systématiquement non plus –, mais par deux fois (v. 281 et 826) il cite le comédien Jodelet, qui tient à Paris le rôle de Cliton dans Le Menteur … et donc dans La Suite à venir, c’est-à-dire celui qui l’incarne lui-même hic et nunc. Nous avons évoqué plus haut le « ton de voix » de Juan Rana en renvoyant à certains vers de La Suite du Menteur77 qui soulignent des caractéristiques de même nature : les commentaires de Cliton et Lyse mettent en effet en valeur le nasillement de Jodelet, que les spectateurs sont justement en train d’entendre, ainsi que les galons rouges et verts de son habit de laquais, ces couleurs caractérisant conventionnellement les bouffons.
Conclusion
59Corneille ne s’est donc pas contenté d’emprunter au recueil espagnol deux beaux sujets, deux fables piquantes, d’une part celle d’un galant qui s’adonne avec un dynamisme séduisant à une fuite en avant dans le mensonge, d’autre part celle de deux jeunes gens à l’idéalisme forcené, se lançant dans un projet amoureux insensé pour tout autre qu’eux-mêmes. Dans Le Menteur, où il se démarque de Ruiz de Alarcón, ou Lope de Vega, en imaginant un « dénouement ingénieux78 » – un revirement sentimental tardif mais très vraisemblable chez un amoureux de l’amour plutôt que d’un être précis – et en remplaçant la fin grisâtre de la comedia imitée par un moment de jeu théâtral particulièrement réussi et distrayant, son héros, Dorante, se met à interpréter auprès de Clarice et Lucrèce, et sous les yeux de Cliton, le rôle du manipulateur lucide alors qu’il a été à la fois berné et victime de sa propre erreur : « Tu me vas voir, Cliton, jouer un nouveau jeu. » C’est là manifester un goût certain pour le procédé de la distanciation. Cette initiation à la prise de distance par rapport à certains propos, incitation déjà sensible dans l’incrédulité acquise du valet français devant les paroles de son maître et dans les discrets souvenirs du Cid placés dans la bouche du père indigné, traduit la persistance, depuis L’Illusion comique, d’une volonté cornélienne d’empêcher le spectateur de prendre trop au sérieux ce qu’il voit et ce qu’il entend, même quand, dans le genre dramatique « naïf », un personnage s’élève un peu trop haut ; il rappelle par là que le théâtre s’inscrit toujours dans une démarche festive. Dans cette perspective, les nombreuses lectures espagnoles du poète l’ont familiarisé avec l’utile présence du gracioso, qui tempère les enthousiasmes suscités par de trop brillants jeunes premiers, qui atténue fortement les effets d’une sentimentalité excessive – cas des deux amants de La Suite –, qui désamorce les éventuelles accusations d’invraisemblance et qui ramène la pièce à son artifice et à la fête : dans un rôle de convention, Cliton n’est pas là pour abaisser une comédie des « honnêtes gens » mais pour plaisanter sans cesse avec son maître, en faisant percevoir ce dernier comme un être de fantaisie et sans faire croire à sa propre réalité de domestique. De surcroît, Corneille a trouvé dans les recueils de comedias de multiples formes de dénonciation de la fiction dramatique, qu’il s’agisse de la matérialité du spectacle, de la fable, ou du style donné par l’auteur à ses personnages. Ainsi, sans chercher à imiter tel ou tel détail d’une comedia en matière de distanciation, mais en puisant dans son imaginaire théâtral ainsi enrichi depuis la première série de ses comédies et en s’adonnant au plaisir de surprendre les spectateurs, voire de leur demander des efforts79, notre poète a utilisé tout naturellement cette culture de la conscience de l’illusion, bien inculquée aux auteurs de tra los montes par ses propres maîtres jésuites, afin de divertir davantage son public et de marquer son emprise sur lui.
60Il a en tout cas prouvé une compréhension de la dramaturgie espagnole beaucoup plus poussée que celle de ses contemporains80 et, bien au-delà de l’imitation, il s’est réapproprié des procédés de distanciation qui, par leur caractère spirituel, se sont révélés capables de le charmer dans la mesure où ils s’accordaient profondément à ses propres conceptions du théâtre, d’une grande modernité pour le public d’aujourd’hui : eux aussi ont été magistralement « dépaysés » et « habillés à la française81».
1 Le système théâtral de Brecht refuse l’identification de l’acteur à son « personnage », de même que l’identification du public à ce qu’il voit sur la scène, dans la mesure où un narrateur s’adresse régulièrement à la salle, où des changements de décor à vue s’opèrent sur la scène devant les spectateurs, où tout suspense est désamorcé par des annonces préalables, où des songs interrompent la progression, bref, dans la mesure où de multiples procédés visent à perturber la perception passive de l’action dramatique et à rompre l’illusion théâtrale. Certes, il ne s’agit pas, dans le cas des œuvres qui nous intéressent, d’amener le spectateur à une lecture politique des événements qui lui sont montrés.
2 Les vers 174-178 de El arte nuevo de hacer comedias en este tiempo, indiquent qu’il est permis de mêler le tragique au comique, et Térence à Sénèque, ce qui produit un nouveau Minotaure, donc un monstre.
3 Et de plus, en donnant six tours, ainsi qu’en sortant Plaute et Térence du cabinet de travail malgré les cris que leur arrache la raison, précisait Lope.
4 « […] como las paga el vulgo, es justo / hablarle en necio para darle gusto » (dans El arte nuevo de hacer comedias en este tiempo, Juan Manuel Rozas, Significado y doctrina del arte nuevo de Lope de Vega, Madrid, Sociedad General Española de Librería, 1976, digitalisé par la Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes, 2002, v. 47-48, en ligne : https://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/arte-nuevo-de-hacer-comedias-en-este-tiempo--0/html/, page consultée le 2 décembre 2024. Notre traduction.
5 Dans La preuve des passages alléguéz dans les Observations sur le Cid, Paris, Sommaville, 1637. La Mesnardière, dans sa Poétique (Paris, Sommaville, 1639) reproche également à Lope de Vega d’avoir « voulu plaire à la multitude ignorante dans la plupart de ses comédies » (Jules de la Mesnardière, La Poétique, éd. Jean-Marc Civardi, Paris, Honoré Champion, 2015, p. 119).
6 « Oye atento, y del arte no disputes, / que en la comedia se hallará modo / que oyéndola se pueda saber todo » (El arte nuevo […], édition citée, v. 387-389).
7 Les détracteurs français de Lope le taxaient d’ignorance, comme les autres dramaturges espagnols, alors qu’on dispose d’une foule d’indices prouvant que leur culture antique était tout aussi grande que celle des auteurs français. Lope lui-même notait dans son Nouvel Art dramatique qu’on le désignait, en France et en Italie, comme un ignorant.
8 Les théâtres avaient été aménagés dans les cours (corrales) sur lesquelles donnaient un ensemble d’immeubles voisins.
9 Voir l’évocation de la vie de Clindor à laquelle Alcandre se livre devant Pridamant (L’Illusion comique, éd. L. Picciola, dans Corneille, Théâtre, t. II, Paris, Classiques Garnier, 2017, I, 3, v. 175-181). De surcroît, Clindor a fui en dérobant de l’argent à son père, tout comme, dans ce que nous considérons comme un épisode de la comédie qu’il aurait composée, Isabelle emporte les écus du « bonhomme » qu’est son père Géronte.
10 L. Picciola, Corneille et la dramaturgie espagnole, Tubingen, Gunter Narr Verlag, 2002, p. 96-102.
11 Sous la plume de Cervantes, Pedro prend comme nom d’acteur celui du comédien Nicolás de los Ríos, par ailleurs auteur et directeur de troupe, et qui a réellement existé.
12 « Ya podré ser patriarca, / pontífice y estudiante, / emperador y monarca : / que el oficio de farsante / todos estados abarca » (Miguel de Cervantes Saavedra, Pedro de Urdemalas, édition électronique de Florencio Sevilla Arroyo, Alicante, Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes, 2001, III, v. 736-740 : https://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/pedro-de-urdemalas--0/html/, page consultée le 2 décembre 2024).
13 Voir Demeulenaere-Douyère Christiane, « Les Espagnols et la société rouennaise au xvie siècle », Études Normandes, 30e année, no 3 : « Musique et poésie », 1981, p. 65-83.
14 Notons que, comme l’ensemble du théâtre de Cervantes, cette comédie ne se rattache pas à la comedia nueva dont Lope de Vega fut le promoteur.
15 En 1632-1633, Voiture avait accompagné à Madrid, le marquis du Fargis, émissaire de Gaston d’Orléans, lui servant notamment d’interprète dans une mission qui consistait à obtenir une aide de l’Espagne contre Louis XIII. Le poète et épistolier prolongea son séjour en Espagne au-delà de la fin de la mission. Quant à Jean-Pierre Camus, parti en Espagne en 1624, on voit dans ses Leçons exemplaires (Rouen, Berthelin, 1642) qu’il y a assisté à des spectacles de comedias. Il avait notamment séjourné à Madrid et en Catalogne.
16 On changeait de loa selon le public devant lequel la comedia était représentée, pour mieux lui convenir. Des loas ont parfois été publiées dans des recueils de comedias, ou isolées, mais désolidarisées de la pièce pour laquelle elles avaient servi.
17 On y trouve une très amusante loa « de la qualité des femmes », qui procède par prénoms ! Les « Lucrecia » (modèle de Lucrèce) y sont considérées comme fausses, ce qui convenait fort bien à La Verdad sospechos, que Corneille croyait de Lope, et les « Jacinta » (modèle de Clarice) comme gourmandes, ce qui ne semble pas convenir à la comédie sauf à considérer que vouloir deux maris en même temps relève de ce défaut…
18 Il semble que l’influence des jésuites puisse expliquer que Corneille se soit attelé à la traduction de L’Imitation de Jésus-Christ, un livre de Thomas a Kempis qu’Ignace de Loyola méditait beaucoup et qu’il recommandait explicitement à celui qui fait des exercices spirituels. Sur l’instruction des auteurs espagnols, voir notre note 7.
19 Les Exercices spirituels (Exercita spiritualia) d’Ignace de Loyola furent publiés en latin en 1548 à Rome chez Antonio Bladio alors que Loyola les avait rédigés en castillan.
20 Voir Jean-Christian Dumont, « Cantica et espace de représentation dans le théâtre latin », Pallas, no 47 : « De la scène aux gradins », sous la direction de Brigitte Le Guen, 1997, p. 41-50, en ligne : https://doi.org/10.3406/palla.1997.1464, page consultée le 2 décembre 2024.
21 À la fin de l’Asinaria de Plaute, le chef de la troupe, le grex, invite le public à en imaginer la suite à sa guise. Certains peuvent être tentés par l’indulgence à l’égard du vieillard lubrique qui semblait promis à une belle punition par son épouse, la matrone qu’il a trompée et il leur est loisible d’imaginer qu’il s’en sort mieux que prévu. « Si ce vieillard, s’est donné du bon temps en cachette de sa femme, il n’a fait là rien de bien neuf, ni d’extraordinaire. Qui de nous a le cœur assez dur et l’âme assez ferme pour ne pas se divertir un peu quand l’occasion s’en présente ? Maintenant, si vous voulez intercéder en faveur de ce vieillard pour qu’il ne soit pas battu – donc si vous voulez donner à la pièce un autre dénouement que celui qu’on suppose [N.D.L.R] – nous pensons que vous pouvez obtenir satisfaction en faisant éclater ainsi vos applaudissements ». On peut changer d’épilogue, comme on peut changer de prologue.
22 Les Enfances du Cid, trad. R. Marrast, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1994, p. 892.
23 Ibid., p. 896-897. C’est évidemment Rodrigo qui porte un panache jaune.
24 Cette fois, notre traduction.
25 Les Enfances du Cid, traduction citée, p. 907.
26 On pourra noter le contraste entre ce type de dramaturgie et celui de La Mort de Pompée, tragédie composée juste avant Le Menteur, et dont le héros meurt dès le début de l’acte II. On évoque ici les comédies implexes mais Corneille, avec Rodogune, Théodore, et Héraclius, a également écrit des tragédies implexes.
27 Les laquais (lacayos) ou serviteurs (criados) ne sont désignés par le substantif graciosos qu’à partir de 1625. Auparavant le mot gracioso s’emploie surtout comme épithète, après lacayo, et parfois seulement pour qualifier le costume de celui-ci ; Lope de Vega, pour évoquer le sel apporté à l’action par les domestiques parle plutôt de la figura del donaire (le personnage spirituel).
28 Selon la dédicace de la comedia, que Lope composa très tôt, en 1596, semble-t-il, mais qui ne fut publiée qu’en 1620, dans la Trezena parte de las comedias du Phénix, c’est dans cette pièce qu’il introduisit pour la première fois un gracioso, qu’il ne désigne cependant pas ainsi, mais par le terme donaire (l’esprit, l’humour, la grâce). Ainsi s’exprime Tristán : « Il est d’usage courant en Castille, / qu’un domestique soit une manille / dans toutes les occasions » (La Francesilla, éd. digitale Artelope, I, v. 834-836 : https://artelope.uv.es/biblioteca/textosAL/AL0639_LaFrancesilla.php, page consultée le 2 décembre 2024).
29 Les relations entre les deux auteurs, pourtant rivaux, semblent avoir été bonnes. Rotrou a composé une élégie pour Corneille, rendant hommage à la qualité de sa deuxième comédie, La Veuve, et, vingt ans plus tard, on trouve un éloge vibrant de ses tragédies dans la dernière scène de l’acte I du Véritable Saint Genest. Entre temps, ils ont participé l’un et l’autre à la Société des cinq auteurs, voulue par Richelieu, et Rotrou semble avoir épargné Corneille pendant la Querelle du Cid.
30 La Bague de l’oubli, Diane, Les Occasions perdues (1635), L’Heureuse Constance (1636), Laure persécutée (1636) respectivement réécrites d’après La Sortija del olvido (tirée de la Docena parte de las comedias de Lope de Vega, publiée en 1619), La Villana de Xetafe (tirée de la Parte catorce, publiée en 1620), La Ocasión perdida (tirée de la Segunda parte publiée en 1610), Mirad a quién alabáis (tirée de la Decimasexta parte publiée en 1621-1622), Laura perseguida (tirée de la Cuarta parte, publiée en 1614). Après 1640, Rotrou continua de récrire des comedias, en les choisissant beaucoup plus graves. Ce fut le cas de Lo fingido verdadero de Lope de Vega, dont il fit Le Véritable Saint Genest.
31 Sur la transformation des personnages de graciosos par Rotrou, voir Catherine Dumas, « Lope de Vega et ses adaptations françaises : le traitement dramatique et la réappropriation culturelle dans trois tragi-comédies de Rotrou », Anuario Lope de Vega. Texto, literatura, cultura, XXIII (2017), p. 104-130, DOI : http://dx.doi.org/10.5565/rev/anuariolopedevega.189, page consultée le 2 décembre 2024.
32 Parte veynte y dos de las comedias del Fenix de España Lope de Vega Carpio y las meiores que hasta aora han salido …, en Zaragoza, por Pedro Verges, a costa de Iusepe Ginobart, 1630.
33 On ne pense pas que cette comedia soit de Lope de Vega ; elle n’est pas pour autant de Ruiz de Alarcón.
34 Veintiuna parte verdadera de las comedias de Lope de Vega Carpio, Madrid, viuda de Alonso Martín, 1635. Nous suivons l’édition digitale de La Noche de San Juan procurée par le site Artelope, dont la saisie et la numérotation des vers sont été effectués par Luz Celestina Souto, en ligne : https://artelope.uv.es/biblioteca/textosAL/, page consultée le 2 décembre 2024.
35 Juan Ruiz de Alarcón est né au Mexique. Il finit par s’installer à Madrid. Sa manière est un peu différente de celle des dramaturges contemporains – ses comédies notamment sont plus graves et plus morales : ils le raillèrent souvent, et Lope ne fut pas le dernier dans la moquerie.
36 ¿Parécete novedad, / que donde mira el señor / siga su ejemplo el criado? (La Noche de San Juan, éd. citée, I, v. 206-208).
37 « Ya está Tecla como Aurora / en gravedad y mudanza /, porque la criada danza / al son que hace la señora », (Quien bien ama tarde olvida, dans Obras de Lope de Vega, Academia española, 1916 ; version digitalisée en ligne, https://archive.org/details/obrasdelopedeveg09vega, page consultée le 2 décembre 2024, p. 87. Notre traduction, comme désormais pour toutes les citations que nous donnons. On ne dispose pas pour cette comedia d’édition dont les vers soient numérotés.
38 « Yo soy, señora, aquel hombre /que puse mis tiernos ojos / en tus dos hermosos soles / ; yo soy el que ha tantos años / que merecí tus favores, / adorando tu belleza, / reverenciando tu nombre ; yo soy el que por tu causa / en un torneo una noche / pasmé el mundo con destreza, / empresa, galas y mote ; / yo soy el que en una justa / vencí a trece vencedores, / y puse a tus pies los premios, / porque tus plantas los honren ; / yo soy a quien tú mil veces / ofreciste en tus balcones / a mis esperanzas premios, / como a mis galas colores ; / yo soy el que no ha dos horas / que tuve por flaco el monte / comparado a mi firmeza, / mira si te quise entonces ; / yo, Aurora, en fin, soy Alberto, / a quien hoy los cielos ponen / por blanco de sus saetas » (dans Obras de Lope de Vega, éd. citée, p. 82, colonne 1). Notre soulignement.
39 Le verbe bordonear semble ainsi forgé sur le nom du valet.
40 Chez Lope, dans Amar sin saber a quién (éd. citée, I, 572-573) : « y, pues amas quieren amos, / los criados nos queramos » (« Et puisque les maîtresses aiment les maîtres / Aimons-nous entre serviteurs »).
41 III, 4, v. 934-936.
42 « Como historia de pastores, / que en todo un libro jamás / duermen, ni comen, ni hay más / que hablar de celos y amores » (La Ocasión perdida, éd. digitale d’Artelope, suivant celle de Jesús Gómez, elle-même basée sur la Parte II, Madrid, Alonso Martín, 1610, I, v. 856-860, en ligne : https://artelope.uv.es/biblioteca/textosAL/, page consultée le 2 décembre 2024).
43 En fait, ce n’est pas elle qu’il voit, mais il ignore qu’il s’agit de la reine.
44 « Nunca te he visto ensartar / con relámpagos y trueno, / tantos desatinos juntos » (La Noche de San Juan, éd. citée, II, v. 1671-1673).
45 « Amor, / señores, cuya tirana fuerza… » (ibid., III, v. 2987-2988).
46 « ¡Qué entrada tan necia…! » (ibid., III, v. 2989).
47 « Inès – Impertinente has estado / en este necio coloquio. / Leonor – Pues escucha un soliloquio. / Inés – No, por Dios, que son efetos / y quitarás de invención / lo que gastes en concetos. / Poco más o menos, sé / cuanto me puedes decir » (La Noche de San Juan, éd. citée, II, v. 1614-1623).
48 Néanmoins il rappelle plus tard à son maître le mensonge des remèdes miraculeux quand ce dernier doit faire face aux reproches de son père.
49 Cette comedia se trouve dans le même recueil que La Noche de San Juan. Elle fut donc publiée en 1635.
50 « Parecen representantes, / que saben bien el papel » (El premio del bien hablar, II, v. 448-449).
51 Elles sont nombreuses chez Lope de Vega mais aussi chez Tirso de Molina, Calderón de la Barca, ou Rojas Zorrilla. La Dama Duende, imitée par Le Métel d’Ouville dans L’Esprit folet (publiée en 1642, mais représentée environ trois ans auparavant), fut citée dans deux autres comedias de Calderón, Casa con dos puertas mala es de guardar et El galán fantasma, (qu’imita plus tard le poète et dramaturge Philippe Quinault) par leurs graciosos respectifs.
52 Amar sin saber a quién, éd. citée, I, v. 106-117.
53 La Suite du Menteur, IV, v. 1235-1238.
54 Tu edad son lindos hechizos / Dice allá en sus rimas Lope, / soneto sesenta y cinco (Amar sin saber a quién, éd. citée, II, v. 1916-1918). Le poème, issu justement des Rimas humanas dans leur édition de 1609, ne porte pas le numéro soixante-cinq mais le numéro soixante-douze.
55 Sur les raisons qu’on a de n’envisager, pour la conception de cette comédie de Corneille, que les éditions antérieures à 1660, voir notre argumentation dans Corneille. Le Menteur, La Suite du Menteur, La Place Royale, Paris, Atlande, 2024, p. 22.
56 Scènes en bois, très simples.
57 Cristóbal de Avendaño Sasieta (1595-1634).
58 Nous soulignons.
59 « Sentados, hará Avendaño / una comedia, que creo / es retrato desta noche, / en cuyo confuso lienzo / tomó Lope la invención, / y se ha estudiado y compuesto / todo junto en cinco días » (La Noche de San Juan, éd. citée, I, v. 671-677).
60 « Gardez que celle-ci n’aille jusqu’à l’auteur, / Et que pour une Suite il n’y trouve matière », v. 1916-1917, dans l’éd. des Classiques Garnier, citée ; éd. Peureux, p. 298.
61 « Antonia – Toma un libro que hay aquí / de comedias. ¿Para qué? / Doña Blanca – Pues si es de amores, yo sé / que él puede buscarla en mí. / ¿No has visto aquellos afectos / tan vivos de dos amantes? / Pues di a los representantes / que vengan a hurtarme afectos. » (ibid., v. 1243-1250).
62 Expression employée par Corneille dans l’Examen de La Galerie du Palais.
63 « No he visto tan mal cruzado / En cuantos bailes se han hecho; / Porque le yerran entrambos; / Que Leonor quiere a don Juan, / Y, si en esto no me engaño, / Blanca no quiere a don Luis; / Luego no es baile acertado. »
64 II, 8, v. 721-725. Don Juan compare ses aventures à celles que conte le Grec Héliodore, dans son roman-fleuve les Éthiopiques ou Théagène et Chariclée, qui, composé au iiie siècle, semble-t-il, connut une grande vogue en Europe, particulièrement à partir de la Renaissance. Les rebondissements y étaient nombreux.
65 « Don Juan – ¡Vive Dios que más estraña / confusión no ha sucedido / a hombre, y que se me acaba / la paciencia imaginando / que puedan desdichas tantas / caber en sola una noche! Tello – Si estuvieran acabadas, / menos mal hubiera sido. / Don Juan – No cuenta cosas tan varias / de Clariquea Heliodoro. / Las de Teágenes pasan / en años, pero las mías /en una noche » (ibid., v. 2834-2846).
66 Comme Ricardo de Turia et Francisco Cascales.
67 « Aquí la comedia acaba / de La noche de San Juan; / que si el arte se dilata / a darle por sus preceptos / al poeta, de distancia, / por favor, veinticuatro horas, / ésta en menos de diez pasa. » (ibid., v. 3032-3038).
68 Au vers 1933 de l’édition des Classiques Garnier ; éd. Peureux, annexe, p. 298.
69 « Alejandro – ¿Cómo os llamáis? Alcalde –¿Yo, señor ? / Alejandro – Vós, pues. / Alcalde – Yo, señor, Juan Rana. / Alejandro – Pues decid que bailen. / Alcalde – ¡Hola! / dice el Rey que bailen. » (Lo que ha de ser, dans le même volume que La Verdad sospechosa, publié en 1630.
70 On peut traduire ce nom d’acteur par « Jean Grenouille ». Le véritable nom du comédien était Cosme Pérez.
71 On se reportera, dans La Suite du Menteur, aux vers 216, 218 et 226.
72 Le Métel d’Ouville parlait couramment le castillan. Il avait passé sept ans en Espagne entre 1615 et 1622.
73 Composée par Calderón, Rojas Zorrilla, et Pérez de Montalbán, cette comedia fut représentée en 1636. Sur cette œuvre, voir María Luisa Lobato, « Puesta en escena de Rojas Zorrilla (1630-1648) », [Actas de las] XXX Jornadas de teatro clásico de Almagro (2007), coord. F. Pedraza Jiménez, R. González Cañal, A. García González, Universidad de Castilla-La Mancha, Ediciones de la Universidad de Castilla-La Mancha, 2008, p. 17-44, notamment p. 24-25.
74 « ¡No dijera, vive Dios, / una infanta de comedia / razones más ponderadas! »
75 « Ya casados, no haya más / comedia. »
76 Voir María Luisa Lobato, article cité, p. 25.
77 Voir la note 71.
78 Le jésuite Baltasar Gracián, adepte de l’acuité, appréciait particulièrement de tels dénouements.
79 Voir à cet égard l’Examen d’Héraclius.
80 Devant l’insuccès de sa pièce, qu’il faut sans doute attribuer au fait qu’il était difficile aux spectateurs de se souvenir de tous les détails du premier volet du diptyque, Corneille a en quelque sorte renié l’apport original de son Cliton en le désolidarisant injustement de Dorante : « L’on a pu voir par les divers succès quelle différence il y a entre les railleries spirituelles d’un honnête homme de bonne humeur, et les bouffonneries froides d’un plaisant à gages » (Examen de La Suite du Menteur).
81 On reconnaîtra là des expressions employées par Corneille dans l’avis au lecteur précédant Le Menteur dans l’édition collective des Œuvres, en 1648.
sous la direction de Yohann Deguin et Bénédicte Louvat
© Publications numériques du CÉRÉdI, « Revue Corneille présent », n° 3, 2024
URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/index.php?id=1836.
Quelques mots à propos de : Liliane Picciola
Liliane Picciola, est professeur émérite en littérature française à l’Université Paris Nanterre (CSLF, EA 1586). Directrice de la revue en ligne Corneille présent, vice-présidente du Mouvement Corneille, elle a consacré beaucoup d’articles au théâtre du xviie siècle. Elle a travaillé principalement sur la réécriture des comedias par les poètes dramatiques français, publiant Corneille et la dramaturgie espagnole en 2002 (G. Narr). Elle dirige aux Classiques Garnier la nouvelle édition du Théâtre de Pierre Corneille (4 volumes sur 6 publiés entre 2014 et 2024), et a réalisé elle-même l’édition critique de dix pièces, dont Le Menteur et La Suite du Menteur dans le tome 3. Elle a aussi participé à l’édition critique du Théâtre de Thomas Corneille pour quatre de ses pièces (Classiques Garnier, t. 1, 2015, et t. 2, 2021), ainsi qu’à celle du Théâtre de Rotrou pour deux pièces (STFM, t. 6, 2003, et t. 11, 2014), et elle a dirigé la publication de Baroque ou bizarre ? (PUPO, 2016). Enfin elle a rédigé la partie « Repères » et la partie « Problématiques » dans le volume Corneille, Le Menteur, La Suite du Menteur, La Place royale, publié en octobre 2024 aux éditions Atlande dans la collection « Clefs-concours ».
Sur le site de l’ENCCRE, elle a réalisé l’édition critique de plusieurs articles de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert qui concernent le théâtre.