De la représentation de la mer à celle du fleuve : une approche technique des tragédies à machines de Pierre Corneille, Andromède et La Toison d’or
Anthony Saudrais
1Pierre Corneille est l’auteur de deux tragédies à machines : Andromède1 (1650) et La Toison d’or2 (1660). Toutes deux sont des pièces de commande.
2La première est une commande de Mazarin, inscrite dans le contexte politique des épisodes de la Fronde. Quelques années auparavant, le cardinal sollicita les services de l’ingénieur italien Giacomo Torelli (1608-1678)3, machiniste du Teatro Novissimo4. Il connut le succès avec la représentation de La Finta Pazza (1645) dans la salle du Petit-Bourbon. Torelli équipa le théâtre d’une machinerie moderne5, aménageant un dessous ainsi qu’un dessus de scène – un savoir jusqu’alors inédit en France – capables de réaliser des changements à vue. En 1647, il fut engagé pour superviser la construction des décors et des machines du premier opéra de langue italienne représenté en France avec l’Orfeo de Luigi Rossi6. Mais le spectacle fut un échec7. Cet insuccès explique la commande d’Andromède par le Cardinal qui souhaitait, tout en conservant le pompeux appareil théâtral de l’opéra italien, une tragédie à machines de langue française partiellement chantée, capable d’attirer les faveurs du public. Il sollicita Corneille pour l’écriture du poème, par ailleurs contraint de réutiliser certains décors de l’Orfeo. La musique fut composée par Charles Coypeau Dassoucy8. La pièce fut, par la suite, reprise au théâtre du Marais, sous le commandement du machiniste Denis Buffequin9. Malgré le succès d’Andromède, Corneille renoua avec la tragédie régulière en composant Nicomède, décidant de se retirer de la scène après l’échec de Pertharite. Pourtant, en 165610, un aristocrate normand, Alexandre de Rieux, marquis de Sourdéac, lui commanda une nouvelle tragédie à machines. Passionné par la mécanique et l’univers du théâtre, il ambitionnait de faire représenter à ses frais, dans son château du Neubourg, une pièce à sujet mythologique. Corneille accepta le marché, les deux hommes convenant du sujet de la toison d’or. Mécène et machiniste, Sourdéac supervisa les festivités. La pièce était programmée pour être reprise, après les représentations au Neubourg, au théâtre du Marais, Sourdéac ayant établi une relation personnelle avec le machiniste Buffequin. La Toison d’or fut l’un des plus grands succès du théâtre à machines de la seconde moitié du xviie siècle.
3Œuvres de commande, ces deux pièces résultent d’une collaboration ambitieuse – mais parfois difficile – entre le poète et l’ingénieur. Cet article se propose d’établir quelques hypothèses pour comprendre le travail technique réalisé par Torelli et Sourdéac concernant la représentation maritime et fluviale, l’analyse de l’appareil théâtral demandant une approche transversale et croisée des différents savoirs.
Giacomo Torelli, machiniste d’Andromède (1650)
Les mécanismes de la représentation maritime et fluviale. Retours sur la Pratiqua de Nicola Sabbattini
4Pour comprendre la technicité d’une machinerie théâtrale en Europe à l’époque moderne quelques années avant la création d’Andromède, le chercheur dispose d’une source importante, en particulier le traité rédigé par Nicola Sabbattini (1574-1654) : la Pratiqua.
5Né dans la ville de Pesaro, ce dernier fut engagé comme ingénieur au service du duc François Marie II della Rovere. Architecte officiel de la cour entre 1610 et 1631, il travailla auprès du mathématicien Guidobaldo Del Monte, lui-même engagé au service des Ducs d’Urbino11. La Pratica a la singularité d’être l’un des seuls imprimés de l’Histoire européenne sous l’Ancien Régime à dévoiler aussi explicitement les secrets de la machinerie théâtrale encore utilisée – partiellement, du moins – dans la première moitié du xviie siècle. La première édition date de 1637. Imprimée à Pesaro12, elle comprend un premier livre intitulé « Della pratica delle Scene ». L’auteur se donne la mission d’examiner les différents aspects techniques de la scène, expliquant des aménagements aussi spécifiques que la disposition des décors pour former la perspective. La seconde édition, datée de 1638, est imprimée à Ravenne13. La Pratiqua détaille des mécanismes capables de simuler un fleuve, une mer, une tempête ; certaines des solutions proposées par l’ingénieur perdurèrent jusqu’à la fin du xviiie siècle14.
6Sabbattini consacre quatre chapitres (27, 28, 29 et 30) dans le second livre de la Pratiqua à expliquer la simulation maritime et fluviale. Le premier mécanisme, le plus rudimentaire sur le plan technique, est l’usage d’une grande toile dans laquelle sont dissimulées des cordes manœuvrées latéralement par les ouvriers, depuis la cage de scène (figure 1) :
Soit, fixé sur un châssis A.B.C.D. la toile laissée lâche et soit les cordes cousues sous elle et leurs bouts dépassants E.F. G.H. et I.K. Une fois le châssis ajusté en son lieu on postera un homme par bout de corde, chacun tenant en main un desdits bouts. Quand on voudra faire semblant que la mer se meuve ces deux hommes qui furent mis en E. et F. tireront les bouts et laisseront lentement revenir en place et, au moment de ce retour, qui fera ondoyer la toile, les hommes qui furent placés au second endroit, en G. et H., agiront de même et de même les autres du troisième endroit en I. et K. et ainsi de suite, tour à tour, selon qu’il sera de besoin, car, de cette manière les vagues auront l’air de monter et de descendre et de se venir arrêter au rivage15.
Figure 1 – Nicola Sabbattini, Pratica di fabricar scene, e machine ne’ teatri di Nicola Sabbattini …, in Ravenna, per Pietro de’ Paoli, e Gio. Battista Giovannelli stampatori camerali, 1638, p. 108.
Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, RESERVE 4-S-4178.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1520158g/f126.item.
7Cet artifice était quelque peu désuet à l’époque d’Andromède, le mécanisme ayant l’avantage de ne pas demander l’installation d’un dessous de scène, dont était pourvu le théâtre du Petit-Bourbon. La deuxième solution proposée se rapproche de la précédente, la toile peinte feignant par les talents du décorateur les effets maritimes désirés. Elle est manœuvrée à l’aide de deux grands bâtons disposés perpendiculairement (figure 2) :
Soit A.B. C.D. E.F. G.H. I.K. et L.M., les vagues de la mer ; la première A.B., restant immobile, à savoir clouée au plancher de la scène et les bâtons N.O. P.Q. lesquels, au moyen d’une charnière, ou joint, sont fixés par un bout en O. et Q. ; à la première vague A.B. de manière à se pouvoir lever et baisser aisément ; puis, dans le bâton N.O. on clouera le bâtonnet R. qui soutiendra la deuxième vague C.D. et, ensuite, l’autre bâtonnet, S., pour G.H., la quatrième vague, et un autre pour L.M., la sixième. Ceci fait en l’autre bâton P.Q., on clouera le bâtonnet V. qui soutiendra E.F., la troisième vague et l’autre, X., pour la cinquième I.K. Lorsqu’on voudra ensuite montrer le mouvement de la mer on fera comme dit ci-dessus à savoir on lèvera et abaissera tour à tour les bouts de bâtons et ainsi aura-t-on fait tout le nécessaire16.
Figure 2 – Nicola Sabbattini, op. cit., p. 109.
Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, RESERVE 4-S-4178.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1520158g/f127.item.
8Or ces deux premières installations, comme nous allons tenter de le démontrer plus loin, n’ont pas été retenues par Torelli. Le troisième mécanisme, en revanche, dévoile un aménagement utilisé dans certains théâtres européens du xviie siècle, perdurant jusqu’à la fin du xviiie siècle et même au-delà17. La mer est simulée par des cylindres tournés depuis les coulisses (figure 3) :
Soit les deux bâtons A.B. d’un côté, C.D. de l’autre, accommodés en sorte que leur pente soit un peu plus accusée que l’inclinaison du plancher de la scène ; soit les cylindres E.F.G. et H. fabriqués en formes de vagues et, en leurs extrémités, les manivelles I.K.L.M. qui doivent être clouées en cesdites extrémités et pouvoir aisément tourner au-dessus desdits bâtons, les cylindres étant placés si distants les uns des autres qu’il en est de besoin comme il fut dit. Pour mettre ceci en action on placera un homme par cylindre lequel tiendra en main sa manivelle ; le moment venu il la fera doucement tourner et de cette manière on aura agi ainsi qu’on le devait18.
Figure 3 – Nicola Sabbattini, op. cit., p. 111.
Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, RESERVE 4-S-4178.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1520158g/f129.item.
9La quatrième solution consiste en une combinaison entre les trois premières techniques, le dispositif mêlant des rouleaux à des toiles peintes disposées sur le plancher de scène ; ce dispositif permettait selon Sabbattini de simuler une tempête (figure 4) :
Soit, entre les cylindres A.B. ; les vagues C.E.G.D., faites de planches couvertes de toile coloriée à la façon dites ci-dessus et soit les deux perches E.F. et G.H. longues comme ci-dessus et clouées aux vagues, derrière la toile, en E. et G., distantes l’une de l’autre de trois pieds, la vague susdite étant placée assez bas au-dessous des cylindres pour que la cime de C.D. ne vienne point à être vue des spectateurs ; au moment qu’on voudra, ensuite, faire changer la mer de couleur les hommes qui auront en mains les perches F.H. ira en I.K., la cime de la vague C.E.G.D. allant alors en L.M.N.O. et, en faisant monter et descendre ladite vague d’un mouvement plus rapide que celui des cylindres, comme dit ci-dessus, on représentera tout ce qu’on voulait représenter. On fera de même avec les autres vagues qu’il faudra poser entre les autres cylindres. Voulant faire paraître que la mer se calme on fera revenir les vagues en place et on remettra les cylindres en mouvement comme dit ci-dessus. On fera de même avec les autres vagues qui devront être posées entre les autres cylindres19.
Figure 4 – Nicola Sabbattini, op. cit., p. 113.
Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, RESERVE 4-S-4178.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1520158g/f131.item.
10De plus, la simulation maritime et /ou fluviale passait par les talents du peintre décorateur dont la tâche était de réaliser – dans le cas d’Andromède et de La Toison d’or – une grande toile suspendue depuis les cintres. Sabbattini proposait pour sa part d’autres solutions, notamment le coulissement depuis la cage de scène de deux panneaux latéraux, ce dispositif permettant de fermer la perspective. L’ingénieur témoigne d’un savoir perspectiviste (figure 5) jusqu’alors peu exploité dans la scénographie du théâtre français de la première moitié du xviie siècle.
Figure 5 – Nicola Sabbattini, op. cit., p 45.
Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, RESERVE 4-S-4178.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1520158g/f63.item.
11Les dessins du Mémoire de Mahelot20 illustrent, à ce titre, la préférence pour le décor compartimenté21, héritage du théâtre médiéval22. Avec l’arrivée du changement à vue depuis les représentations de La Finta Pazza, les châssis latéraux forment désormais la perspective centrale, le peintre étant dans l’obligation de répéter les mêmes motifs23 afin de réaliser l’illusion d’optique construite d’après les règles de la perspective linéaire24.
12Pourtant, quand nous considérons toutes les solutions formulées par Sabbattini, en dehors de l’esthétique perspectiviste, la Pratiqua ne nous permet pas de comprendre le travail d’ingénierie réalisé par Torelli, ce traité synthétisant un savoir datant principalement du siècle passé. Engagé par Mazarin pour réformer la technicité de la scène théâtrale française, cet ingénieur italien apporta des nouveautés jusqu’alors inconnues de Sabbattini, particulièrement l’invention des dessus de scène25.
La simulation maritime par Torelli. Approche technique de la machinerie d’Andromède
13Pour comprendre la machinerie d’Andromède, il convient de rappeler son lieu de création originelle : le théâtre du Petit-Bourbon. Depuis La Finta Pazza, la scène était équipée d’un dessous et d’un dessus de scène. La beauté des spectacles de Torelli fut diffusée par un nombre important d’estampes26. L’édition la plus luxueuse, in quarto, fut imprimée par Laurent Maury et Charles de Sercy (1651), illustrée par des estampes de François Chauveau27. Plusieurs décors d’Andromède mentionnent l’élément aquatique, à commencer par le prologue où « le pied de cette montagne est percé à jour par une grotte profonde qui laisse voir la mer en éloignement28. » En examinant l’estampe (figure 6), on constate que la mer était située dans la profondeur de scène.
Figure 6 – Pierre Corneille, Andromède, Paris/Rouen,
Laurent Maurry et Charles de Sercy, 1651.
Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, RESERVE 4-BL-3523.
Photo Anthony Saudrais, 2016.
14Matériellement, cet élément décoratif et maritime était feint sur la ferme centrale29 suspendue depuis les cintres, le peintre construisant son illusion d’optique d’après les lois géométriques de la perspective linéaire. Le compte-rendu réalisé par la Gazette du 18 février 1650 ne laisse aucun doute sur ce qui relevait, avant toute chose, des talents du peintre décorateur :
Étant haussé30, il se présente un bocage que la perspective par une agréable tromperie, fait paraître de deux ou trois lieux d’étendue, lequel serait borné des agréables collines du Mont Parnasse, s’il n’était percé à jour par ses grottes, au travers desquelles se voit un lointain de mer à perte de vue ; comme ce double Mont, le séjour des Muses, porte la cime jusques dans les nues, pour leur rendre de là leur père Apollon plus accessible31.
15Surtout, l’un des plus beaux tableaux d’Andromède était le décor maritime du troisième acte, décrit dans le Dessein32 de la pièce :
Voici une étrange métamorphose, sans doute qu’avant que de sortir de ce jardin, Persée a découvert cette tête de Méduse qu’il porte par tout sous son bouclier. Les myrtes et les jasmins qui le composaient sont devenus des rochers affreux, dont les masses inégalement escarpées et bossues suivent si parfaitement le caprice de la nature, qu’il semble qu’elle ait plus contribué que l’art à les placer ainsi des deux côtés du théâtre. C’est en quoi l’artifice de l’ouvrier est merveilleux, et se fait voir d’autant plus qu’il prend soin de se cacher. Les vagues s’emparent de toute la scène, à la réserve de cinq ou six pieds qu’elles laissent pour leur servir de rivage. Elles sont dans une agitation continuelle, et composent comme un golfe enfermé entre ces deux rangs de falaises. On en voit l’embouchure se dégorger dans la pleine mer, qui paraît si vaste et d’une si grande étendue, qu’on jurerait que les vaisseaux qui flottent près de l’horizon dont la vue est bornée, sont éloignés de plus de six lieux de ceux qui les considèrent33 […].
16La nouvelle estampe réalisée par Chauveau (figure 7) est plus trompeuse que la précédente, les mécanismes employés par Torelli pour simuler la mer – elle serait toujours en mouvement, d’après les didascalies – n’étant pas clairement explicités.
Figure 7 – Pierre Corneille, Andromède : tragédie représentée avec les machines sur le Théâtre royal de Bourbon, Paris/Rouen, Laurent Maurry et Charles de Sercy, 1651.
Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES-YF-604.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8623307z/f81.item.
17Le graveur s’approprie les codes de la peinture d’histoire pour représenter cette scène illustre du mythe d’Andromède délivrée34. Au fond, une grande toile manœuvrée depuis les cintres représentait au niveau inférieur la mer avec, dans son niveau supérieur, le ciel nuageux. Si l’estampe manque de précision pour comprendre la simulation des vagues, les didascalies du Dessein nous aident à solutionner le problème. En effet, la description de l’acte IV nous donne un renseignement technique de première importance sur la manière dont le tableau maritime disparaît à la fin du troisième acte :
Plus de mer, plus de monstre, plus de péril, plus de rochers. Les vagues sont fondues sous le théâtre, et ces hideuses masses de pierre, dont elles battaient le pied, ont fait place à la magnificence d’un palais royal35.
18L’usage du verbe « fondre » est sans ambiguïté, Torelli ayant simulé la mer par des vagues peintes qui montaient, puis descendaient, depuis le plancher de scène, le dispositif étant manœuvré depuis les dessous. La scène du Petit-Bourbon, creusée par d’importantes rainures, était équipée de trappes. La Gazette synthétise l’illusion suscitée par cette mer agitée :
En vain cette cour éplorée tache à suivre de la vue cet effroyable enlèvement, il est suivi d’un changement non moins étrange que tout le reste. Car ce jardin qui fut naguère une ville, devient un vaste océan, dont les vagues s’entrechoquant l’une l’autre, frappent le pied d’un affreux rocher ; auquel ces mêmes vents descendus du Ciel avec les premières impétuosités, viennent attacher Andromède36.
19L’une des trappes permettait l’apparition de Neptune, « tiré par deux chevaux marins », avant de s’abîmer dans la mer (« Il fond au milieu de la mer ») à la fin du troisième acte37.
La représentation du fleuve par le marquis de Sourdéac, machiniste de La Toison d’or
Le vieux château du Neubourg et les vestiges de la machinerie originelle
20Après le succès d’Andromède, Corneille fut de nouveau sollicité – alors qu’il avait acté, officiellement, sa retraite dramatique – pour l’écriture d’une nouvelle tragédie à machines commandée par le marquis de Sourdéac38 (1620-1695). Cet aristocrate normand avait l’ambition de faire représenter dans son château du Neubourg (figure 8) une pièce à machines somptueuse39.
Figure 8 – château du Neubourg
Photo Anthony Saudrais, 2016
21Mécène de La Toison d’or, il devint l’un des plus grands machinistes du siècle de Louis XIV. Après la reprise du spectacle au théâtre du Marais entre 1661 et 1665, il participa à la création du premier opéra de langue française, Pomone40 (1671), concurrençant l’ingénieur Carlo Vigarani41, en particulier pour la reprise de Psyché au théâtre du Palais-Royal commencée le 24 juillet 167142. Après la fermeture de son Opéra le 27 juin 1672, Sourdéac devint le machiniste officiel de la troupe Guénégaud entre 1673 et 167743.
22Nos recherches, menées durant notre thèse de doctorat, ont permis la découverte d’anciens vestiges jusqu’alors inconnus appartenant à l’installation originelle de la machinerie utilisée pour la représentation de La Toison d’or. Par l’aménagement d’un dessous de scène dans les caves du vieux château (figure 9) ainsi que d’un dessus de scène dans la charpente (figure 10), Sourdéac inventa un dispositif techniquement sophistiqué capable, par l’inventivité de ses mouvements, de surpasser les prouesses d’Andromède.
Figure 9 – Dessous de scène dans les caves du vieux château.
Photo Anthony Saudrais, 2016.
Figure 10 – Dessus de scène dans la charpente.
Photo Anthony Saudrais 2016.
23Le souvenir de La Toison d’or perdura longtemps dans les esprits, en témoigne le chapitre consacré par Samuel Chappuzeau dans son Théâtre Français publié en 1674 :
Celles qui ont fait le plus grand bruit en France furent les pompeuses machines de La Toison d’or, dont un grand seigneur d’une des premières maisons du royaume, plein d’esprit et de générosité fit seul la belle dépense pour en régaler dans son château toute la noblesse de la province. Depuis il voulut bien en gratifier la troupe du Marais, où le roi suivi de toute la Cour vint voir cette merveilleuse pièce. Tout Paris lui a donné ses admirations, et ce grand opéra qui n’est dû qu’à l’esprit et à la magnificence du seigneur dont j’ai parlé a servi de modèle pour d’autres qui ont suivi44.
Le Phase et sa vallée dans La Toison d’or ; hypothèses sur la réalisation du décor
24Au deuxième acte, La Toison d’or représentait la rivière du Phase, dans une étroite vallée :
La rivière du Phase et le paysage qu’elle traverse en font la décoration. On voit tomber de gros torrents des rochers qui lui servent de rivage, et l’éloignement qui borne la vue, présente aux yeux divers coteaux, dont cette campagne est enfermée45.
25Latéralement, ces « gros torrents » étaient feints sur les différentes toiles disposées sur les châssis, complétant le perspectivisme des « rochers qui lui servent de rivage ». Au fond, une grande toile suspendue depuis les cintres représentait « divers coteaux » selon les règles de la perspective linéaire. Sourdéac commanda cette décoration au peintre Nicolas Bellot d’après un Mémoire signé de sa main, daté du 14 septembre 165946. Ce document lui demande de réaliser « Un paysage entrecoupé de la rivière et au-delà la continuation dudit paysage ». Pour la réalisation des décors de La Toison d’or, Bellot reçut 2 200 livres.
26Certes, le dispositif technique inventé par Sourdéac pour simuler la rivière du Phase n’est pas aussi certain que celui qui fut employé dans Andromède : les didascalies ne sont pas aussi précises. Pourtant, nous avons prouvé que Sourdéac aménagea dans les caves du vieux château un dessous de scène techniquement performant47. Comparativement, il lui était loisible d’utiliser un procédé similaire à celui qu’avait inventé Torelli pour simuler la mer. Les didascalies peuvent, partiellement, appuyer cette hypothèse, notamment par la formulation « […] et au fleuve de retirer une partie de ses eaux […] », cette indication – l’usage du verbe « retirer » – paraissant susceptible de sous-entendre l’utilisation de toiles peintes manœuvrées depuis les différentes trappes :
Ici l’on voit sortir du milieu du Phase le dieu Glauque, avec deux tritons, et deux sirènes qui chantent, cependant qu’une grande conque de nacre, semée de branches de corail, et de pierres précieuses, portée par quatre dauphins, et soutenue par quatre vents en l’air, vient insensiblement s’arrêter au milieu de ce même fleuve. Tandis qu’elles chantent, le devant de cette conque merveilleuse fond dans l’eau, et laisse voir la reine Hypsipyle assise comme dans un trône : et soudain Glauque commande aux vents de s’envoler, aux tritons et aux sirènes de disparaître, et au fleuve de retirer une partie de ses eaux pour laisser prendre terre à Hypsipyle. Les tritons, le fleuve, les vents et les sirènes obéissent, et Glauque se perd lui-même au fond de l’eau sitôt qu’il a parlé. Ensuite de quoi Absyrte donne la main à Hypsipyle, pour sortir de cette conque, qui s’abîme aussitôt dans le fleuve48.
27L’hypothèse de rouleaux marins manœuvrés depuis les coulisses est à écarter – de facto, toutes les propositions formulées par Sabbattini – tant les didascalies sous-entendent un usage important des dessous de scène, notamment par l’usage des verbes « sortir » et « abîmer49 ».
28Cette étude synthétique s’était donné l’objectif de comprendre les principaux ressorts de l’appareil théâtral utilisés pour simuler un décor maritime et / ou fluvial dans les deux tragédies à machines écrites par Corneille mais elle ne peut se clore sans que nous envisagions le rapport établi avec la machinerie théâtrale par le poète : quelle importance accordait-il respectivement à la technique et à la poétique dans le spectacle finalement réalisé ?
29Nous le savons : le dramaturge n’eut pas grand plaisir à composer les poèmes d’Andromède et de La Toison d’or. Les contraintes d’écriture qu’il minimise dans ses écrits théoriques – Discours, préfaces et Examens – dé/voilent sa difficulté de partager les lauriers d’un spectacle dont le génie inventif était considéré comme revenant à égalité, à lui et à l’ingénieur, sinon accordé davantage à ce dernier50. S’il mentionne Torelli dans l’Examen d’Andromède51, certainement pour s’attirer les grâces de Mazarin, il ne le fait nullement pour La Toison d’or, le nom de Sourdéac n’apparaissant jamais. Allant jusqu’à souhaiter la chute de la reprise de sa pièce dans une lettre écrite à l’Abbé de Pure le 25 avril 166252, Corneille a davantage considéré la machinerie théâtrale sous un angle purement poétique, au risque de minorer les savoirs – si complexes, mais partiellement méprisés / ignorés par le poète – du machiniste. Pourtant, dans le Discours sur les trois unités, il légitime momentanément son usage53, en l’occurrence dans le mythe de Médée qui demanderait un usage vraisemblable du merveilleux mythologique :
Dans le dénouement je trouve deux choses à éviter, le simple changement de volonté, et la machine […]. La machine n’a pas plus d’adresse quand elle ne sert qu’à faire descendre un Dieu pour s’accommoder toutes choses, sur le point que les acteurs ne savent plus comment le terminer. C’est ainsi qu’Apollon agit dans l’Oreste […]. Cette sorte de machine est entièrement hors de propos, n’ayant aucun fondement sur le reste de la pièce, et fait un dénouement vicieux. Mais je trouve un peu de rigueur au sentiment d’Aristote, qui met au même rang le char dont Médée se sert pour s’enfuir de Corinthe après la vengeance qu’elle a prise de Créon. Il me semble que c’en est un assez grand fondement que de l’avoir faite magicienne, et d’en avoir rapporté dans le poème des actions autant au-dessus des forces de la nature que celle-là54.
30Mais Corneille, soucieux de sa gloire dramatique, n’aura jamais un goût prononcé pour les machines de théâtre comme l’auront d’autres dramaturges spécialistes de ce répertoire tel que Donneau de Visé55. Au fond, Corneille ne souhaitait pas connaître les secrets du machiniste, malmenant partiellement cette collaboration entre l’ingénieur et le poète souhaitée par La Mesnardière dans sa Poétique (1639), une dizaine d’années avant la création d’Andromède :
D’abord il faut donc apprendre à nos poètes dramatiques, que cet appareil de la scène dont la plupart de ces messieurs laissent tout le soin à l’acteur, est une partie de leur art, et qu’il n’est pas moins nécessaire aux écrivains de théâtre d’en savoir la disposition, qu’il est besoin au capitaine qui se veut rendre parfait, de savoir exactement le métier des ingénieurs, que César pratiquait lui-même, la fonction des simples soldats, et de tous les officiers qui servent dans les armées56.
1 On consultera l’édition critique établie par Christian Delmas : Pierre Corneille, Andromède, Paris, Nizet, 1974 ainsi l’édition critique d’Hélène Visentin, dans Corneille, Théâtre, t. IV, Paris, Classiques Garnier, « Bibliothèque du théâtre français », 2024.
2 On consultera l’édition critique établie par Marie-France Wagner : Pierre Corneille, La Conquête de la Toison d’or, Paris, Champion, 1998.
3 Sur l’œuvre et de la vie du machiniste, voir Per Bjurström, Giacomo Torelli and Baroque Stage Design, Stockholm, Nationalmuseum, 1961.
4 Sur la naissance de l’opéra en Italie, voir Hélène Leclerc, Venise et l’avènement de l’opéra public à l’âge baroque, Paris, Armand Colin, 1987.
5 En France, Torelli ouvre une ère nouvelle dans l’art de la machinerie théâtrale, son savoir perdurant jusqu’à l’époque de l’Encyclopédie. Anthony Saudrais, « La gloire du machiniste et les plaisirs de l’illusion en France à l’époque moderne (1645-1772) », Nouvelle Revue d’Esthétique, no 24, dir. D. Lories, 2019, p. 129-135. Sur la diffusion de ce savoir après les représentations de La Finta Pazza, notamment au théâtre du Marais, voir Anthony Saudrais, « Les ressorts du spectacle depuis la venue de Torelli à la cour de France. Une écriture du compromis (1645-1655) », European Drama and Performance Studies, no 9 : Écrire pour la scène (xve-xviiie siècle), dir. S. Chaouche, E. Doudet et O. Spina, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 155-178.
6 Sur l’histoire de cet opéra, voir Christian Dupavillon, Naissance de l’opéra en France : Orfeo, 2 mars 1647, Paris, Fayard, coll. « Les chemins de la musique », 2010.
7 Les paroles italiennes étaient incompréhensibles pour une partie du public.
8 Sur la musique d’Andromède, voir John S. Powell, « Music and Corneille’s Andromède », dans L’Esprit français et la musique en Europe : Émergence, influences et limites d’une doctrine esthétique, sous la direction de Michelle Biget et Rainer Schmusch, New York, Georg Olms, 2007 p. 191-207. On consultera, également, l’article de Florence Sébastiani, « La musique dans l’Andromède de Pierre Corneille (1650) : l’usage, le goût et la raison », Littératures classiques, 1994, no 21, p. 195-205.
9 Denis était le fils du machiniste Georges Buffequin. Sur l’œuvre et la vie de Georges Buffequin, voir Pierre Bayard, « Les faiseurs d’artifices : Georges Buffequin et les artistes de l’éphémère à l’époque de Richelieu », xviie siècle, no 230, 1-2006, p. 151-164. Hélène Visentin, « Décorateur à la cour et à la ville : un artisan de scène nommé Georges Buffequin (1585 ?-1641) », xviie siècle, no 195, 1997, p. 325-339.
10 Corneille travaillait à l’écriture de sa pièce depuis juillet 1656, une affirmation tenue par le rouennais Émeric Bigot : « Corneille travaille à présent à la tragédie de La Conquête de la Toison d’or. C’est une pièce à machines qu’il a promise à M. de Sourdéac. », Pierre Corneille, La Conquête de la Toison d’or, éd. Marie-France Wagner, op. cit., p. 12.
11 Viktoria Tkaczyk, traduction de Arthur Lochmann, « L’École d’ingénierie scénique de Giulio Parigi (1608-1680) », Artefact, 4 | 2016, p. 99-117.
12 Nicola Sabbatini, Pratica di fabricar Scene, e Machine ne’Teatri, Pesaro, Flaminio Concordia, 1637.
13 Nicola Sabbatini, Pratica di fabricar scene, e machine ne’ teatri di Nicola Sabbattini da Pesaro già architetto del serenissimo duca Francesco Maria Feltrio della Rouëre ultimo signore di Pesaro. Ristampata di novo coll’ aggiunta del secondo libro […], Ravenna, Pietro de’ Paoli, e Gio. Battista Giouannelli Stampatori Camerali, 1638.
14 Comme, par exemple, dans le théâtre de Drottningholm inauguré en 1766. Le Théâtre du château de Drottningholm. Sa naissance, son destin et sa conservation, ouvrage collectif, photographies de M. Plunger, Stockholm, Byggförlaget, 1994.
15 Nicola Sabbatini, Pratica di fabricar scene e machine ne’teatri […], ouvrage cité, p. 111.
16 Ibid., p. 113.
17 Le théâtre de Drottningholm utilise, par exemple, des cylindres pour simuler la mer.
18 Sabbatini, Nicola, Pratica di fabricar scene e machine ne’teatri […], op. cit., p. 114.
19 Ibid., p. 116.
20 Les dessins du Mémoire de Mahelot ont été attribués à Denis Buffequin par Marc Bayard dans son ouvrage Feinte baroque : iconographie et esthétique de la variété au xviie siècle, Paris, Somogy, coll. « Histoire de l’art », 2010. On peut aussi consulter la version fournie par Pierre Pasquier : Laurent Mahelot, Le Mémoire de Mahelot, édition critique établie et commentée par P. Pasquier, Paris, Champion, 2005.
21 Anne Surgers, « “Ils ont dû faire choix”. Quelques pistes pour une lecture et une interprétation des décors à compartiments », dans La Scène et la coulisse dans le théâtre du xviie siècle en France, actes du colloque de la Sorbonne, Paris, janvier 2006, sous la direction de G. Forestier et L. Michel, Paris, PUPS, coll. « Theatrum mundi », 2011, p. 295-306.
22 Sur la scénographie du théâtre médiéval, voir Elie Konigson, L’Éspace théâtral médiéval, Paris, Centre national de la recherche scientifique, 1975.
23 Ces répétitions peuvent cependant varier. Par exemple, il arrivait – mais le phénomène reste rare – que les châssis latéraux d’un tableau entier feignent des motifs différents les uns des autres comme dans l’acte IV de la tragédie à machines écrite par Donneau de Visé : Les Amours du Soleil (1671). Anthony Saudrais, « Les stéréotypes compositionnels du répertoire à machines, de La Grande Journée des Machines à la reprise d’Andromède (1648-1682) », dans Les Recettes du succès. Stéréotypes compositionnels et littérarité au xviie siècle, sous la direction de A. Fouqué-Legros, T. Gheeraert et M. Speyer, Colloques Fabula, 2023, en ligne : https://doi.org/10.58282/colloques.9086, page consultée le 12 novembre 2024.
24 Pour une étude approfondie de la perspective, Erwin Panofsky, La Perspective comme forme symbolique et autres essais, traduction sous la direction de G. Ballangé, Paris, Minuit, 1987.
25 Dès la seconde moitié du xviie siècle, les « dessus de scène » deviennent synonymes de « cintres ».
26 Sur la portée politique de ces images, Anthony Saudrais, « Graver les spectacles de Torelli. Les enjeux politiques et éditoriaux de l’image (1645-1654) », dans À qui lira. Littérature, livre et librairie au xviie siècle, actes du 47e colloque international NASSCFL (North American Society for Seventeenth Century French Literature), sous la direction de M. Bombart, S. Cornic, E. Keller-Rahbé, M. Rosellini, Tübingen, Narr Franke, coll. « Biblio 17 », 2020, p. 141-154.
27 Un exemplaire est conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal. Pierre Corneille, Andromède, Paris/Rouen, Laurent Maurry et Charles de Sercy, 1651. Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, RESERVE 4-BL-3523.
28 Pierre Corneille, Andromède, Paris, C. de Sercy, 1651, p. 1.
29 La « ferme » centrale était généralement une toile peinte suspendue depuis les cintres. Elle fermait le perspectivisme de la décoration complétée, latéralement, par les différents châssis.
30 Il s’agit du rideau de scène précédemment mentionné par le compte-rendu de la Gazette du 18 février 1650 (p. 248) : « C’est pourquoi, il se lève pour faire l’ouverture du théâtre, mais avec une telle vitesse que l’œil le plus subtil, quelque attachement qu’il y apporte, ne peut suivre la promptitude avec laquelle il disparaît, tant les contrepoids qui l’élèvent sont industrieusement proportionnés à la grande étendue. ».
31 Ibid.
32 Le « dessein » est la description plus ou moins précise de l’appareil théâtral ; de la « mise en scène », par anachronisme. Complétant l’imprimé traditionnel de la pièce, son usage – tel un « supplément » – est caractéristique du répertoire à machines. Sur le sujet, on consultera l’article de Lise Michel, « L’approche cinématique des spectacles dans les programmes et livrets des pièces à machines (1640-1670) », Littératures classiques, vol. 105, no 2, 2021, p. 123-134.
33 Dessein de la tragédie d’Andromède, Rouen, A. Courbé, 1650, p. 36-37.
34 Sur le sujet, on consultera l’ouvrage de Benoît Bolduc, Andromède au rocher. Fortune théâtrale d’une image en France et en Italie (1587-1712), Florence, Olschki, 2002.
35 Dessein de la tragédie d’Andromède, op. cit., p. 46.
36 Gazette, 18 février 1650, p. 235.
37 Pierre Corneille, Andromède, éd. citée 1651, p. 74-75.
38 Sur la vie du marquis de Sourdéac, consulter Armand Jardillier, La Vie originale de Monsieur de Sourdéac, Le Neubourg, Imprimerie E. Dumont, 1961.
39 Sur La Toison d’or, nous renvoyons à notre thèse de doctorat, notamment sur l’analyse des vestiges de la machinerie théâtrale conservés au Neubourg. Anthony Saudrais, Spectacle et machines au temps de Louis XIV (1659-1715), Thèse de doctorant en histoire de l’art, sous la direction de Guillaume Glorieux et Laura Naudeix, Université Rennes 2, 2018, p. 171-193.
40 Sur le théâtre et la machinerie de Pomone, ibid., p. 239-251.
41 Sur l’œuvre et la vie du machiniste, voir Jérôme de La Gorce, Carlo Vigarani, intendant des plaisirs de Louis XIV, Perrin/Château de Versailles, coll. « Les métiers de Versailles », 2005.
42 Anthony Saudrais, « Rivalité et collaboration entre la troupe de Molière et le marquis de Sourdéac. Psyché contre l’opéra (1671-1672) », dans Retours sur Molière, sous la direction de C. Bourqui, G. Forestier, B. Louvat, L. Michel, A. Sanjuan, Paris, Hermann, 2022, p. 159-173.
43 On consultera, sur le sujet, les différents travaux publiés par Jan Clark : The Guénégaud Theater in Paris (1673-1680), t. 1, Founding, design and production ; t. 2, The Accounts Season by Season ; t. 3, The Demise of the Machine Play, Lewiston/Queenston, The Edwin Mellen Press, coll. « Studies in Theatre Arts », 1998, 2001 et 2007.
44 Samuel Chappuzeau, Le Théâtre François, Lyon, M. Mayer, 1674, p. 51-53.
45 Pierre Corneille, Dessein de La Toison d’or, Paris, A. Courbé et G. De Luyne, 1661, p. 15.
46 Min. centr., XC, 222. Ce document est mentionné par Madeleine Jurgens et Élizabeth Maxfield-Miller dans Cent ans de recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe, Paris, Imprimerie nationale, 1963, p. 403-404.
47 Anthony Saudrais, Spectacle et machines au temps de Louis XIV, op. cit., p. 177-180.
48 Pierre Corneille, Andromède, ed. citée 1651, p. 43.
49 La définition du Dictionnaire de l’Académie française (1694) est claire : « Faire tomber, précipiter dans un abîme. Dieu abîma les cinq villes. », Dictionnaire de l’Académie française, 1re édition, en ligne : https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A1A0024-01, page consultée le 19 juin 2024.
50 Par exemple, dans le compte-rendu réalisé par la Gazette cité précédemment, le travail de Torelli est davantage mis en valeur que celui de Corneille.
51 « Il n’en va pas de même des machines, qui ne sont pas dans cette tragédie comme des agréments détachés, elles en font le nœud et le dénouement, et y sont si nécessaires que vous n’en sauriez retrancher aucune, que vous ne fassiez tomber tout l’édifice. J’ai été assez heureux à les inventer et à leur donner place dans la tissure de ce poème, mais aussi faut-il que j’avoue que le sieur Torelli s’est surmonté lui-même à en exécuter les desseins, et qu’il a eu des inventions admirables pour les faire agir à propos, de sorte que s’il m’est dû quelque gloire pour avoir introduit cette Vénus dans le premier acte, qui fait le nœud de cette tragédie par l’oracle ingénieux qu’elle prononce, il lui en est dû bien davantage pour l’avoir fait venir de si loin et de descendre au milieu de l’air dans cette magnifique étoile, avec tant d’art et de pompe, qu’elle remplit tout le monde d’étonnement et d’admiration. », Andromède, éd. Hélène Visentin, dans Corneille, Théâtre, t. IV, Paris, Classiques Garnier, « Bibliothèque du théâtre français », 2024, Argument, p. 649-650.
52 « Quand la machine qui est aux abois sera tout à fait défunte, je trouve que ce théâtre ne sera pas en trop bonne posture. », cité par Hélène Visentin dans sa thèse de doctorat Le Théâtre à machines en France : histoire et poétique d’un genre, sous la direction de Georges Forestier, Université de Paris IV, 1999, p. 290.
53 On consultera, sur le sujet, l’article de Laura Naudeix, « Éléments d’une dramaturgie du merveilleux », dans Pratiques de Corneille, sous la direction de Myriam Dufour-Maître, Mont-Saint-Aignan, Presses Universitaires de Rouen et du Havre, 2012, p. 477-487.
54 Pierre Corneille, Trois discours sur le poème dramatique (1660), éd. Bénédicte Louvat-Molozay et Marc Escola, Paris, Flammarion, coll. « GF », 1999, p. 141. Cité par Laura Naudeix, art. cité.
55 Au contraire, comparé à Corneille, Jean Donneau de Visé se montre très complaisant à l’égard de la machinerie théâtrale, écrivant que « Les machines sont considérables par trois choses : par leur grandeur, par la surprise des spectacles qu’elles produisent, et par l’invention […]. » (Avis au « Au lecteur », dans Les Amours du Soleil, Paris, C. Barbin, 1671).
56 Jules de La Mesnardière, La Poétique, Paris, A. de Sommaville, 1639, p. 410.
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