Sommaire
Augustin d’Hippone. Pont entre les cultures, carrefour entre les mondes
Regards croisés en zone francophone et au-delà
Actes des IVe journées augustiniennes de Carthage (11-13 novembre 2022).
Textes réunis par Tony Gheeraert.
- Tony Gheeraert Avant-propos. Saint Augustin, randonneur du sens
- Zahia Amara Saint Augustin et la critique de l’idolâtrie : sur les pas des congénères
- Anja Bettenworth Augustine in the underworld – the presentation of Augustine in non-Augustinian texts
- Moritz Kuhn La mise en scène de l’africanité de saint Augustin dans la Vie d’Augustin de Possidius de Calame
- James K. A. Smith Between Augustine and Hegel: History as the Smuggler of the Spirit
- Pierre Descotes Une anti-confession : La Chute d’Albert Camus
- Anthony Glaise De la Cité de Dieu à la Terre du Milieu. Pour une lecture augustinienne de J. R. R. Tolkien
- Mohamed Bernoussi Présence du corpus augustinien dans l’œuvre d’Umberto Eco
- Laurence Plazenet « Nous lisons toujours saint Augustin avec transport » : les traductions de l’évêque d’Hippone et Port-Royal
Augustin d’Hippone. Pont entre les cultures, carrefour entre les mondes
« Nous lisons toujours saint Augustin avec transport » : les traductions de l’évêque d’Hippone et Port-Royal
Laurence Plazenet
1
« Mon Dieu faites-moi la grâce de n’aimer que les biens que les temps amènent, et qu’on ne peut ôter. » C’est l’éternité […] en paroles couvertes, c’est la prière des vrais chrétiens, c’est ce que l’Église demande. On ne saurait s’y méprendre : il n’y a que l’éternité qui soit un bien que le temps amène et ne puisse ôter ; tous les autres sont ôtés dans le moment qu’ils sont donnés. Le fond de cette prière est bien pris dans notre saint Augustin, qui parle si bien sur ce sujet1.
2L’auteur de ces lignes, écrites le mercredi 19 juillet 1690, n’est pas un grave théologien, mais une femme, et une femme du monde, la célèbre Madame de Sévigné. Aussi, la manière dont elle considère l’évêque d’Hippone comme un familier, employant à son propos le pronom de la première personne « notre », mérite de retenir l’attention du lecteur. Aristocrate mariée à dix-huit ans, Madame de Sévigné ne saurait être confondue avec un clerc pétri de culture patristique, ni même tenue pour une dévote patentée. Sans doute, la marquise, alors âgée de soixante-quatre ans, se soucie plus de religion et de méditation sérieuse à cette date, qu’elle ne le faisait au cours de sa jeunesse, mais l’appropriation mérite de retenir l’attention du lecteur, d’autant que l’épistolière parle dès le 6 août 1677 de « notre père saint Augustin2 ». Ses lettres comportent, en effet, plus d’une vingtaine de références à Augustin. La première figure dans une missive du 8 mars 16763. Le cas de Madame de Sévigné révèle l’enjeu que représente la connaissance de la réception de l’Hipponate en France au xviie siècle : loin d’être réservé à un public de docteurs informés, il a touché une part bien plus vaste de la société, sur laquelle il a pu exercer une influence vraisemblablement plus variée – non seulement théologique, mais aussi morale et littéraire. Dès 1951, Jean Dagens proposait de voir dans le xviie siècle français « le siècle d’Augustin4 ». De nombreux travaux ont révélé, en effet, combien sa pensée sous-tend l’œuvre de Pascal, de La Rochefoucauld ou de Madame de Lafayette. Sa présence chez Racine, longtemps négligée, fait actuellement l’objet d’une profonde réévaluation5. Curieusement, toutefois, aucune étude circonstanciée de la réception d’Augustin lui-même n’est venue éclairer l’arrière-plan de ce phénomène.
3L’entreprise, il est vrai, pose plusieurs difficultés. Recenser toutes les éditions et les traductions de son œuvre imprimées en France semble constituer une piste évidente, mais le résultat serait faussé s’agissant de la connaissance du texte original en latin, car les livres circulaient d’un pays à l’autre, brouillant la corrélation entre impression dans un pays et connaissance de l’écrivain ou du texte imprimé. Il est, d’autre part, impossible d’apprécier la réalité d’aucune lecture à partir seulement de données matérielles de ce type. Tel livre aura été peu consulté, tandis qu’un autre volume, prêté, copié, voire recopié, peut avoir été lu par bien plus de personnes qu’il n’est loisible de l’imaginer à première vue. Le nombre de copies manuscrites produites au xviie siècle, à partir de toutes sortes d’ouvrages, reflète la persistance et l’importance de ce mode de diffusion à une date où l’imprimerie a pourtant triomphé. Or ces usages échappent à toute quantification exacte. Entreprendre une étude des citations, discussions ou adaptations d’Augustin serait, quant à soi, mission impossible : elles sont bien trop nombreuses. La brève étude qui suit n’a donc pas vocation à remplacer une enquête en bonne et due forme. Elle procède, sans illusion sur sa rigueur, à partir d’une analyse du catalogue des imprimés de la Bibliothèque nationale de France. Regroupant les collections de plusieurs sites, celui-ci rassemble un nombre sans doute assez exhaustif des éditions et traductions d’Augustin parues en France à partir de l’instauration du dépôt légal par François Ier en 1537. Il comprend en outre des volumes venus de legs et d’acquisitions qui ont leur logique propre : pour les secondes, il s’agit le plus souvent de compléter l’échantillon français originel par l’adjonction de volumes publiés ailleurs qui eurent une importance capitale de leur temps et furent sans doute, à ce titre, présents dans les bibliothèques des contemporains de la période. Pareille collection propose donc un reflet vraisemblable de la diffusion d’Augustin en France entre 1600 et 1700. Assurément, plusieurs volumes du même ouvrage sont parfois présents, tandis qu’une édition qu’on s’attendrait à trouver manque. Le catalogue de la Bibliothèque nationale de France offre un échantillon précieux pour effectuer une coupe probablement signifiante à propos de la diffusion de l’œuvre d’Augustin, en français et en latin, au xviie siècle en France, mais les résultats présentés ne sauraient être tenus pour absolument fiables ou définitifs6. Ils manifestent, néanmoins, des phénomènes assez prononcés pour venir éclairer de façon substantielle la réflexion.
4L’appréciation du sort réservé à Augustin ne saurait être vraiment pertinente à le considérer seul. Il paraît donc nécessaire de conduire la même enquête, dans un premier temps, à propos d’autres Pères de l’Église. On a choisi, pour ce faire, de considérer les trois théologiens que le pape Boniface VIII reconnut en même temps que lui docteurs de l’Église, en 1295, à savoir Ambroise, Jérôme et Grégoire le Grand. Deux auteurs particulièrement importants à l’époque moderne sont également pris en compte : Bernard de Clairvaux (proclamé docteur en 1830) et saint Thomas d’Aquin (docteur en 1568)7. Au xviie siècle, les six auteurs ont tous été canonisés.
[Figure 1]
Éditions latines toutes provenances confondues
5Le dénombrement des éditions latines de ces six auteurs parues entre 1500 et 1800, sans distinction de lieu de publication, montre, pour commencer, que, dès le xvie siècle, Augustin et Thomas d’Aquin sont incomparablement plus présents que les autres et que leur part demeure prépondérante jusqu’au xviiie siècle (Figure 1). Le phénomène n’est pas surprenant : leur prééminence repose, indépendamment de toute valeur doctrinale particulière, dans une large mesure sur la plus grande abondance de leurs œuvres (plus de livres appellent, mécaniquement, la publication de plus de volumes). La répartition entre les différents auteurs par tranche séculaire ne révèle guère de variation dans le temps, sinon que le nombre d’éditions latines global de tous les auteurs chute de façon drastique au xviiie siècle. Le phénomène s’explique par le grand nombre de textes déjà disponibles (le marché est sans doute passablement saturé), un moindre intérêt pour la théologie au siècle des Lumières et un recul du latin au bénéfice des langues vernaculaires. Dans ces conditions, la résistance d’Augustin entre 1700 et 1799 mérite, cependant, d’être soulignée. L’Hipponate se révèle désormais deux fois plus représenté que le second auteur après lui, Thomas d’Aquin. Ils se trouvaient dans une situation d’égalité entre 1500 et 1599 et Augustin ne l’emportait que d’une courte tête entre 1600 et 1699 (152 volumes d’Augustin contre 134 de Thomas d’Aquin, soit un écart légèrement supérieur à 10 % pour le premier). Entre 1700 et 1799, 26 volumes d’Augustin paraissent, lorsque 10 seulement de Thomas d’Aquin sont imprimés.
6Considère-t-on ensuite les éditions latines des six mêmes auteurs spécifiquement imprimées en France (Figure 2), aucun écart excessivement frappant n’apparaît, s’agissant de leur répartition entre 1500 et 1599, et ce qui était observable à l’échelle de l’ensemble de l’Europe dans le premier graphique. Il en va tout autrement entre 1600 et 1699. À cette date, se produit un effondrement typiquement français des éditions de Thomas d’Aquin, tandis que celles d’Augustin connaissent une hausse spectaculaire : elles passent d’un peu plus de 40 % de l’ensemble entre 1500 et 1599 à 54,6 % entre 1600 et 1699, mais se révèlent surtout près de trois fois plus nombreuses que pour l’auteur ensuite le mieux édité, Bernard de Clairvaux (83 éditions contre 28). Le phénomène demande d’autant plus d’être relevé que l’Université condamne, pendant la période, les travaux de Baïus et de Jansénius sur Augustin. Visiblement, cette condamnation est sans effet sur la lecture de l’évêque d’Hippone lui-même. Au contraire, les polémiques que son œuvre suscite semblent favoriser, voire attiser, la diffusion de ses propres œuvres. Le privilège dont il jouit est encore plus éclatant au xviiie siècle, non de façon quantitative (le nombre de ses éditions latines plonge aussi brutalement que celui des autres théologiens), mais à considérer leur poids proportionnel : Augustin s’avère trois fois plus imprimé que Bernard de Clairvaux et vingt fois plus que Thomas d’Aquin. Ces premières observations confirment indubitablement que le xviie siècle est le « siècle de saint Augustin ». Elles suggèrent aussi que la formule peut également s’appliquer au xviiie siècle.
[Figure 2]
Éditions latines imprimées en France
7Le caractère typiquement français du privilège accordé à Augustin apparaît à considérer le nombre des éditions latines d’Augustin imprimées en France et dans le reste de l’Europe (du moins, tel qu’il apparaît dans les collections de la Bibliothèque nationale) (Figure 3).
[Figure 3]
Éditions latines d’Augustin en France et dans le reste de l’Europe
8Entre 1500 et 1599, en dépit de l’avantage constitué par le dépôt légal, la majorité des éditions d’Augustin a été imprimée à l’étranger. La proportion s’inverse entre 1600 et 1699. Cette fois, les éditions françaises sont les plus nombreuses et en hausse de 20 % environ, quand, ailleurs, elles chutent presque d’autant. C’est aussi en France que l’édition d’Augustin se maintient le plus au xviiie siècle, avec un ratio quasiment de 1 à 2. – La France, clairement, a été le lieu d’une effervescence augustinienne très nette et très particulière à l’âge classique.
9L’incidence de cette conclusion est décuplée à prendre en compte, cette fois, les traductions françaises de l’Hipponate (Figure 4). D’une manière générale, les six auteurs sont très peu traduits entre 1500 et 1599. Il n’existe même pas une seule traduction d’Ambroise ou de Thomas d’Aquin. Augustin vient en tête avec 10 volumes contre 3 pour Bernard de Clairvaux, le théologien le plus traduit après lui – sachant que les trois volumes qui proposent des textes de ce dernier sont des recueils qui n’en offrent que des extraits (ce n’est le cas que d’un tiers des ouvrages contenant des œuvres d’Augustin).
[Figure 4]
Traductions françaises d’Augustin
10L’augmentation des traductions est générale et nette au cours du siècle suivant : on en dénombre 302 contre 16, cent ans plus tôt. Il s’agit d’un pic exceptionnel : ce chiffre chute presque de moitié entre 1700 et 1799, où l’on n’en compte plus que 175. Sachant que tous les clercs sont supposés lire le latin, même si le niveau médiocre de nombre d’entre eux peut les pousser à préférer consulter des ouvrages volumineux ou ambitieux en français, pareille augmentation – parallèlement à une forte hausse des livres imprimés en latin – suggère plutôt une diversification des lecteurs de ces textes. Pour le dire clairement, il paraît plus que probable qu’une part importante des lecteurs en français des six auteurs considérés se compose de laïques, voire de mondains, n’ayant pas accès au latin. D’autre part, si les six auteurs étudiés voient croître la proportion des traductions de leurs textes, c’est de façon extrêmement inégale. Il paraît, en effet, 14 fois plus de traductions de Grégoire le Grand, mais leur nombre demeure faible, passant de 2 à 28. Les traductions de Bernard de Clairvaux sont multipliées par un peu plus de 15 : au nombre de 3 entre 1500 et 1599, elles s’élèvent à 47 entre 1600 et 1699. L’augmentation qui touche les œuvres d’Augustin confine, en revanche, à un raz-de-marée : ce ne sont plus 10 traductions françaises de ses textes qui sont publiées, mais 195 au xviie siècle. Elles sont presque multipliées par 20 et, à la différence de ce qui vaut pour les autres auteurs, le mouvement se prolonge au xviiie siècle. Certes, une légère baisse se produit : on n’en dénombre plus désormais que 152, mais ce chiffre perdure au xixe siècle (155) et la diminution de 20 % qu’on observe au cours du xviiie siècle n’a rien de comparable avec la chute de 80 % qu’enregistrent, par exemple, les traductions de Bernard de Clairvaux. Augustin connaît non seulement une promotion tout à fait unique au xviie siècle, mais encore une promotion durable, laquelle traduit l’émergence d’un public nouveau pour ses textes.
11De fait, les principaux éditeurs de ces traductions sont des éditeurs généralistes bien connus : Jean Camusat, puis sa veuve, ainsi qu’Antoine Vitré, Pierre Le Petit, Charles Savreux, André Pralard, Guillaume Desprez, Jean-Baptiste Coignard. Aucun d’entre eux n’est spécialisé dans l’édition d’ouvrages théologiques savants ou universitaires. La plupart des volumes sont, par ailleurs, imprimés dans des formats in-4o ou in-8o facilement manipulables, qui les distinguent résolument des in-folios réservés aux savants et autres érudits. Lourds, ces derniers requièrent d’être lus sur une table ou un pupitre. Ils supposent la posture du clerc. Au contraire, les traductions françaises d’Augustin, si elles comportent peu de frontispices élaborés et pas d’illustration, comme il s’en trouve souvent dans les ouvrages de littérature contemporaine, notamment dans les romans ou les éditions de pièces de théâtre, ont néanmoins les caractéristiques matérielles de livres conçus pour un usage, non pas technique ou savant, mais mondain. La simplicité de leur présentation peut alors s’expliquer, soit par la volonté de ne pas rehausser le prix de volumes destinés à un usage essentiellement personnel et spirituel, sans constituer des « classiques8 », soit par le fait qu’ils ne sont pas voués à un usage ornemental ou décoratif : ils n’ont pas vocation à soutenir un mouvement de l’imagination, mais plutôt un effort réflexif.
12Le contenu des textes dessine encore plus distinctement la silhouette du public auquel ils sont destinés. L’Avertissement des Instructions chrestiennes reccueillies des sermons que S. Augustin a faits sur les pseaumes parues en 1662 chez Siméon Piget et Charles Savreux, rappelant d’emblée que l’homme « ne se doit occuper durant tout le cours de sa vie, qu’à chercher son véritable bonheur, et qu’à se servir des moyens qui sont propres à le luy faire obtenir », fait ensuite l’éloge des Sermons sur les Psaumes d’Augustin qui sont « un trésor d’Instructions, de Maximes, et de Règles pour le salut ». L’auteur poursuit alors :
Mais elles y sont comme enfermées et cachées, à l’égard des personnes qui n’ont pas de science ni d’estude. C’est pourquoy j’ay cru qu’il seroit fort utile à un grand nombre de personnes, qu’on leur donnast ces Instructions en la manière qu’elles sont en ce Recueil. Je les ai développées et expliquées en les réduisant sous des titres, qui sont autant de Maximes et de dogmes, me conformant en cela à l’avis de beaucoup de personnes pleines d’intelligence et de charité, qui ont cru que cette manière de donner des Instructions qui sont répanduës dans le Livre de S. Augustin, estoit la meilleure et la plus propre à les faire considérer autant qu’elles le méritent, et à les rendre profitables à toutes sortes de gens9.
13Le volume est conçu pour des laïques et spécifiquement des gens du monde n’ayant pas étudié (on se souvient qu’un La Rochefoucauld vit congédier son précepteur, alors qu’il avait quatorze ans seulement). Le traducteur fait valoir que ce « ramas d’Instructions » n’a pas été rassemblé par matières et qu’il présente une « variété de sujets mêlés ensemble » ne pouvant « rien produire que d’agréable ». Agrément, variété, désordre : les trois principes sont caractéristiques de l’esthétique mondaine de la période. Ils sont comme une signature apposée au volume.
14Philippe Goibaud du Bois publie en 1694 une traduction des Lettres d’Augustin. Il affirme en tête du volume qu’elles
sont pleines de tout ce qu’on peut désirer d’instructions pour toutes sortes de personnes, Évêques, Prêtres, gens de guerre, Magistrats, particuliers, hommes et femmes mariées ou dans le veuvage, vierges consacrées à Dieu, gens du monde et solitaires ; et il n’y a aucune de toutes ces conditions qui n’y puisse trouver de quoi s’instruire amplement de tous ses devoirs10.
15S’il évoque évêques, prêtres et solitaires dans son énumération, ils sont en minorité face au très large éventail des autres lecteurs qu’il envisage et qui mentionne spécifiquement la part que les femmes doivent y tenir. De fait, Madame de Sévigné fait référence, dans sa correspondance, à des textes traduits d’Augustin. Le 29 janvier 1690, elle nomme Goibaud du Bois lui-même :
M. Dubois m’a envoyé son livre De la véritable religion et des mœurs de l’Église catholique, traduit de saint Augustin. Le nom de ce saint, et la réputation du traducteur, nous le feront lire, quoiqu’après Abbadie, Pascal, et l’Histoire de l’Église, on soit prêt à souffrir le martyre ; du moins nous le croyons, tant notre esprit est convaincu11.
16La part des femmes parmi les lectrices supposées des traductions françaises d’Augustin pendant la période est confirmée par le nombre d’entre elles qui s’avèrent dédicataires de ces volumes.
17Le jésuite René de Ceriziers dédie sa traduction des Soliloques à Madame de Villesavin et celle des Confessions à la duchesse d’Aiguillon, la nièce de Richelieu. Goibaud du Bois adresse son volume des Lettres à Mlle de Guise, François de Villeneuve sa traduction des Sermons sur le Nouveau Testament à Mme de Guise. Une traduction en vers des Soliloques est dédiée à la maréchale de Duras. Ceriziers fait explicitement allusion au public féminin de son livre dans l’avertissement de ses traductions des Soliloques12, puis de La Cité de Dieu qui commence par traiter de « L’obligation que les femmes ont de lire de bons livres » :
L’original de cet ouvrage étant aux hommes savants, j’estime que la copie que j’en produis ne doit appartenir qu’aux Dames curieuses : l’ignorance seule de la langue qui exprime les belles choses les rend incapables des plus profonds mystères. Leur esprit vient du même principe que le nôtre, et rien ne le distingue de l’âme de Platon et d’Aristote, que le sexe qui leur est étranger. […] il n’y a point de secret dans les Lettres, ni de beautés dans les œuvres des savants, dont les plus rares esprits du temps ne leur facilitent l’intelligence, ou par des éclaircissements nécessaires à la profondeur de leur secret, ou par d’excellentes versions, qui découvrent les mystères qu’une langue étrangère leur cache. Cela me fait espérer que La Cité de Dieu ne sera plus inutile aux Dames, et que les hommes ne la possèderont plus tous seuls. Elle a de quoi satisfaire leur curiosité, et de quoi remplir un fond qui n’est pas pour des bagatelles, ni pour des choses indifférentes13.
18Le recoupement de son propos avec celui de Goibaud du Bois est particulièrement intéressant dans la mesure où les deux hommes appartiennent à des groupes antagonistes. Ceriziers est membre de la Compagnie de Jésus. Goibaud du Bois, proche de Port-Royal, est un « pascalin », c’est-à-dire un des lecteurs avertis et fervents de Pascal qui participèrent à l’élaboration de l’édition princeps des Pensées parue en 1670. Le sujet, néanmoins, les trouve d’accord. Pierre Lombert, quant à lui, considère longuement, dans l’« Avertissement » de sa propre traduction de La Cité de Dieu, l’effet que le discours de saint Augustin sur les mœurs des païens et sur la sexualité peut avoir sur des femmes et des religieuses14 : il ne saurait être d’indice plus clair qu’il escompte qu’elles liront l’ouvrage. La politesse de la langue que les traducteurs affichent rechercher est amplement conçue pour s’adapter à un public mondain, où les femmes tiennent une part importante. En 1696, le traducteur des Soliloques de saint Augustin, mis en vers françois avec le latin et une méditation sur le Jugement dernier revendique comme modèle L’Imitation de Jésus-Christ de Corneille et pense pouvoir toucher par la forme qu’il adopte des lecteurs d’ordinaire éloignés de ce type d’ouvrages, prît-il la précaution d’avertir son lecteur qu’il ne doit pas y rechercher une pure œuvre de poésie :
L’Accueil favorable qu’eut l’Imitation de Jésus-Christ mise en Vers François par Mr Corneille m’a donné lieu d’en faire autant des Soliloques de S. Augustin. […] Je suis bien persuadé que ceux qui ne cherchant dans la Poësie que la pompe des Vers, n’y trouveront pas tout le goût qu’ils pourroient desirer ; mais s’ils veulent bien se persuader, comme il est vrai, que pour faire une Traduction fidelle il faut absolument conserver le caractere de son Auteur, ils avoüeront qu’il n’étoit pas possible d’accorder la simplicité de celle-ci avec la majesté de l’expression. J’ai cherché à la verité à lui donner autant de graces que j’ai pû, mais non pas de celles qui servent plutôt à se faire admirer, qu’à toucher le Lecteur, et à la rendre telle que demande une Morale Chrétienne, qui n’a pour but que d’instruire, et qui ne se met pas en peine de flatter les sens. Si l’on n’y trouve donc pas des charmes, du moins n’y trouvera-t-on pas de dégoût ; et peut-être que la manière dont les choses y sont dites, penétrera plûtôt le cœur, qu’elle ne blessera les oreilles15.
19Les précautions du traducteur, le vocabulaire qu’il emploie, la référence à Corneille, constituent des indices certains qu’il ne s’adresse pas à des dévots ou des clercs.
20L’appareil critique ou la composition des volumes sont également révélateurs. Conçue pour des néophytes, la traduction des Instructions chrestiennes reccueillies des sermons que S. Augustin a faits sur les pseaumes est ainsi dotée d’un riche « Avertissement » qui fournit toutes les clés nécessaires à la compréhension de l’auteur : pour un public d’ecclésiastiques, il eût été inutile. Loin que leur traducteur fût le seul à procéder de la sorte, c’est un trait récurrent dans la grande majorité des volumes. Ils fournissent dans leurs préliminaires des informations de base sur l’auteur ou l’œuvre qu’ils traduisent. La présentation des volumes, la part faite aux références, leur précision, les distingue clairement des ouvrages conformes à des usages érudits. La traduction des Lettres de S. Augustin de Goibaud du Bois propose successivement, avant le texte, une table des lettres classées selon leur sujet, une table générale des lettres selon leur présentation usuelle, une troisième table suivant l’ordre alphabétique des destinataires d’Augustin, ainsi qu’une table des passages de l’Écriture expliqués dans les lettres16. À la fin du volume, une table des matières avec une localisation affinée du passage en cause vient encore faciliter l’entrée dans le recueil17. Manifestement, le traducteur s’efforce d’autoriser toutes les voies d’accès possibles au texte, sans considérer que son lecteur sait déjà s’orienter dans l’ample massif qu’il réunit (sa traduction se distribue en six tomes comprenant chacun plus de six cents pages). Antoine Arnauld, qui publie des traductions du De correptione et gratia et du De moribus Ecclesiae catholicae, prend soin d’introduire au début de chaque chapitre des deux volumes des sommaires précis destinés à en faciliter l’intelligence et la mémorisation du texte : ils sont précieux pour des lecteurs peu ou moyennement rompus à la consultation de tels ouvrages, Arnauld affichât-il un souci de fidélité à la lettre d’Augustin particulier18. Des références marginales régulières achèvent de baliser le parcours dans le texte.
21Quelques-unes des œuvres publiées sous le nom de l’évêque d’Hippone sont des recueils composites et apocryphes, à l’instar d’un des volumes les plus publiés, Les Soliloques, le Manuel et les Meditations de saint Augustin dans la traduction du P. de Ceriziers19. Le livre, imprimé au moins neuf fois entre 1639 et 1699, réunit trois compilations médiévales qui mêlent des extraits des Confessions d’Augustin et d’autres auteurs postérieurs à ce dernier. Les Instructions chrestiennes, recueillies des sermons que S. Augustin a fait sur les Pseaumes ou Les plus tendres sentimens d’un cœur envers Dieu, tirez exactement du livre des Confessions de saint Augustin, de la traduction de Monsieur Arnauld d’Andilly sont, quant à eux, des florilèges. Ils correspondent à des usages pieux, mais dépourvus d’acribie et plutôt archaïques. Ces textes sont, néanmoins, minoritaires. Face à eux, en effet, toutes les grandes œuvres de l’évêque d’Hippone sont traduites : les traités De la prédestination des saints, Du don de la persévérance, De la manière d’enseigner les principes de la religion chrétienne à ceux qui n’en sont pas encore instruits, De la vertu de continence et de tempérance, de la patience et contre le mensonge, De la sainte Virginité, De la correction et de la grâce, Les Mœurs de l’Église catholique, De la Véritable Religion, De la Foy, de l’espérance et de la charité, les Confessions, les Lettres, La Cité de Dieu, les Sermons, les explications sur le Nouveau Testament. Quelques ouvrages particulièrement capitaux jouissent même de plusieurs versions différentes. Ainsi les Confessions furent-elles traduites par le jésuite Ceriziers en 1637, puis par Robert Arnauld d’Andilly en 1649 et, enfin, par Philippe Goibaud du Bois en 168620. La Cité de Dieu, mise en français une première fois par René de Ceriziers en 1655, l’est de nouveau par Louis Giry en 1665, puis par Pierre Lombert en 167521. La plupart des traductions d’Augustin connurent, en outre, plusieurs éditions.
22Le nombre et la diversité de ces traductions sont le gage d’une diffusion exceptionnellement riche de la pensée d’Augustin parmi le plus vaste public au xviie siècle. Philippe Sellier a éclairé le phénomène de façon magistrale à propos de Pascal22. Mais une femme du monde comme Madame de Sévigné fait elle-même référence aux Confessions, à La Cité de Dieu, au traité De la prédestination et de la persévérance des bons, à celui De la prédestination des saints, De la vraie religion et des Mœurs de l’Église, aux épîtres et aux « oraisons » de l’Hipponate23. Sa connaissance de l’auteur est assez pointue pour l’autoriser à en recommander précisément la lecture à sa fille dans une lettre du 26 juin 1680 :
Mais une bonne fois, ma très chère, mettez un peu votre nez dans le livre De la Prédestination des saints de saint Augustin, et du Don de la persévérance ; c’est un fort petit livre. Il finit tout. Vous y verrez d’abord comme les papes et les conciles renvoient à ce Père, qu’ils appellent le docteur de la grâce. Ensuite vous trouverez des lettres de saint Prosper et Hilaire, qui font mention des difficultés de certains prêtres de Marseille, qui disent tout comme vous ; ils sont nommés semi-pélagiens. Voyez ce que saint Augustin répond à ces deux lettres, et ce qu’il répète cent fois. Le onzième chapitre du Don de la persévérance me tomba hier sous la main. Lisez-le, et lisez tout le livre ; il n’est pas long. C’est où j’ai puisé mes erreurs. Je ne suis pas seule ; cela me console. Et en vérité, je suis tentée de croire qu’on ne dispute aujourd’hui sur cette matière avec tant de chaleur que faute de s’entendre24.
23La précision des références de la marquise témoigne d’une lecture approfondie, en même temps que son propos éclaire ses causes : l’épistolière lit Augustin au jour des débats contemporains sur la grâce et des disputes entre molinistes et augustiniens ou « jansénistes » – l’étiquette appliquée aux augustiniens de Port-Royal par leurs adversaires pour les discréditer, en suggérant que leur discours reflète moins la pensée d’Augustin lui-même que la lecture qu’en avait proposée l’évêque d’Ypres, Cornélius Jansen, mort en 1638, dans son Augustinus (1640). Or l’Augustinus faisait l’objet d’attaques depuis sa parution, attaques qui avaient pris une intensité croissante en France à partir de 1649, au moment de la condamnation en Sorbonne de cinq propositions imputées à l’Augustinus. Ainsi est-ce malicieusement que Madame de Sévigné, amie de Port-Royal25, note, le 9 juin, à propos d’Augustin :
Je le trouve bien janséniste, et saint Paul aussi. Les jésuites ont un fantôme qu’ils appellent Jansénius, à qui ils disent mille injures ; ils ne font pas semblant de voir où cela remonte : est-ce que je parle à lui ? Et là-dessus, ils font un bruit étrange et réveillent les disciples cachés de ces deux grands saints26.
24En assimilant le Jansénius des jésuites à un fantôme, la marquise fait implicitement allusion à la défense composée par Antoine Arnauld sous le titre, Phantôme du jansenisme, ou justification des pretendus jansenistes (1686). Le ton est amusé, distant, ironique (« est-ce que je parle à lui ? renvoie à une anecdote qu’elle a racontée un peu plus tôt) : l’épistolière affiche une désinvolture de bon aloi, alors qu’elle prend parti, sans la moindre ambiguïté, ralliant même l’apôtre Paul à la cause de Port-Royal.
25L’observation de la répartition décennale des traductions d’Augustin au cours xviie siècle confirme qu’il existe une relation de cause à effet entre l’essor des polémiques sur la grâce suscitées par la parution de l’Augustinus et celui des traductions d’Augustin (Figure 5).
[Figure 5]
26Un net pivot apparaît entre les quarante premières années du siècle et les soixante suivantes, marquées par un pic brutal entre 1640 et 1660. Or l’édition princeps de l’Augustinus date de 1640 et la période correspond aussi à celle où le rayonnement de Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, devenu le directeur spirituel de Port-Royal depuis le milieu des années 1630, est le plus vif. Ainsi, la diffusion d’Augustin en France pendant la période ne saurait-elle guère être appréciée indépendamment de son rayonnement dans le groupe de Port-Royal à partir des années 1640.
27Couvent de femmes cistercien fondé dans la vallée de Chevreuse au début du xiiie siècle, Port-Royal n’était en principe pas voué à jouer un rôle dans la diffusion en français de l’œuvre de l’évêque d’Hippone au xviie siècle. À partir de 1609, l’abbaye, réformée par sa jeune abbesse, la mère Angélique Arnauld, gagne un éclat sans pareil, mais celle-ci suit scrupuleusement les préconisations du Concile de Trente et ramène la communauté à l’étroite observance de la Règle de saint Benoît, qui prescrit une stricte humilité du corps et de l’esprit. Il ne s’agit pas, pour une communauté de religieuses, de s’adonner à des travaux savants27. Le tournant se produit à partir du moment où la mère Angélique prend pour directeur spirituel l’abbé de Saint-Cyran. Très charismatique, surnommé par ses contemporains « l’oracle du cloître Notre-Dame » (il y avait demeuré), l’homme avait étudié à Louvain avec Cornélius Jansénius, qu’il avait ensuite hébergé chez lui, à Bayonne, pour approfondir de concert leur connaissance de l’œuvre d’Augustin. Les deux amis s’étaient appliqués à scruter ses textes, et non plus leurs gloses ou les recueils pseudépigraphiques répandus depuis le Moyen Âge. Chacun avait ensuite suivi une carrière indépendante.
28Saint-Cyran, toutefois, avait continué à collaborer avec Jansénius, lorsque ce dernier avait entrepris de consacrer une somme à la pensée d’Augustin. Après la mort prématurée du prélat, le 6 mai 1638, l’abbé prit soin de la publication de son livre et, dès les premières attaques, assura sa défense, mobilisant pour ce faire ses jeunes disciples de Port-Royal. En effet, il avait convaincu une poignée d’hommes de se séparer du monde et de vivre en se consacrant à Dieu, à proximité du monastère, de façon quasi monastique, quoiqu’ils n’eussent pas prononcé de vœux et que tous ne fussent même pas des ecclésiastiques. Le premier de ces Solitaires, ou Messieurs, selon le titre dont ils usaient entre eux, fut, en 1637, Antoine Le Maistre, un neveu de la mère Angélique. Il avait rapidement été rejoint par plusieurs parents, à l’exemple de son frère Isaac-Louis Le Maistre de Sacy et de son jeune oncle Antoine Arnauld. Frère cadet de la mère Angélique, ce dernier avait seulement quatre ans de moins qu’Antoine Le Maistre et un an de plus que Sacy. Emprisonné de 1638 à 1642, Saint-Cyran s’en remit à ses proches pour veiller au sort de l’Augustinus. Leur rôle, à commencer par celui d’Antoine Arnauld, ne fit que s’accroître après la mort de l’abbé, en février 1643, quelques mois après sa libération. Port-Royal, de la sorte, apparut rapidement comme le principal foyer du renouveau augustinien promu par le livre de Jansénius et le lieu, entre tous, où était défendue une stricte conception augustinienne de la grâce face aux aménagements proposés par les théologiens de la Compagnie de Jésus, au premier chef desquels Luis de Molina. Le refus des proches du monastère et des religieuses de signer le Formulaire qui condamnait cinq propositions hérétiques réputées figurer dans l’Augustinus, parce que le groupe y voyait le moyen d’une condamnation détournée de saint Augustin (dans les faits, les moniales elles-mêmes arguèrent le plus souvent ne pas disposer des connaissances nécessaires pour se prononcer) acheva d’identifier Port-Royal à la cause d’Augustin. C’est au cours de cette crise que le nombre de ses traductions présente un pic particulièrement élevé (1650-1659). La crise culmina entre 1661 et 1665 : le monastère fut scindé en deux maisons réparties, l’une aux « signeuses », l’autre aux religieuses qui refusaient de se soumettre, tandis que Messieurs et Solitaires étaient poursuivis sans relâche. Après une période d’apaisement entre 1669 et 1679, les persécutions reprirent : une seconde hausse marquante des traductions d’Augustin accompagne ce mouvement (1680-1689). En 1709, le roi obtint la fermeture du couvent. La parution des versions françaises d’Augustin reflète ces événements avec une fidélité qui implique qu’elles leur sont profondément liées.
29L’édition et la traduction de l’évêque d’Hippone ne furent pas l’apanage de ceux qui se dirent volontiers « disciples de saint Augustin ». Jean Bardou (1621-1668), curé de Cormelles-le-Royal, près de Caen, qui publia un Manuel de St Augustin, traduit en vers françois en 1658, n’entretient pas de lien avec Port-Royal. René de Ceriziers (1603-1662), un des plus féconds traducteurs d’Augustin, qui proposa des versions françaises des Soliloques (leur première édition date de 1639), des Confessions (leur première édition fut imprimée en 1637) et de La Cité de Dieu (1655), souvent rééditées, était même, quant à lui, membre de la Compagnie de Jésus, où il était entré en 1622, avant de devenir aumônier ordinaire à la cour de Louis XIV. Mais les deux hommes, morts l’un et l’autre au tout début des années 1660, appartiennent clairement à la première moitié du siècle : les querelles suscitées par l’Augustinus ne paraissent pas les concerner. Ne faut-il pas, en réalité, inverser la perspective et poser que Ceriziers fournit l’exemple d’un jésuite traducteur de saint Augustin, parce qu’il est foncièrement un homme de la première moitié du siècle ? Il traduit saint Augustin avant l’identification de Port-Royal à la cause de l’évêque d’Hippone. Si ses textes font l’objet de nombreuses réimpressions ultérieures, ils appartiennent en réalité à une autre époque et invitent à penser a contrario qu’il n’est plus de traduction d’Augustin, passées les années 1650, que venue du groupe de Port-Royal.
30En effet, tous les autres traducteurs de l’Hipponate se recrutent parmi eux. Antoine Arnauld, Antoine Le Maistre et Robert Arnauld d’Andilly sont respectivement des neveux et le frère de la mère Angélique. Ils comptent parmi les Solitaires du monastère. Claude de Sainte-Marthe, qui inclut un sermon d’Augustin dans sa collection De la piété des Chrestiens envers les Morts (1665), est le confesseur des religieuses28. Pierre Lombert appartient à une des familles les plus proches de Port-Royal29. C’est aussi un ancien élève des Petites Écoles. Jean Hamon, traducteur des Traitez de morale de S. Augustin pour tous les etats qui compensent le Corps de l’Eglise, parus à Paris, chez Hélie Josset en 1680, fut le médecin de la communauté, et l’un de ses plus célèbres Solitaires. Nicolas Fontaine servit de secrétaire à Le Maistre de Sacy, un des premiers Solitaires et le traducteur de la Bible30. Le duc de Luynes (Louis Charles d’Albert), auteur de Sentences et instructions chrestiennes tirées des œuvres de S. Augustin sous le nom du sieur de Laval, s’était converti vers 164931. Imprégné de la spiritualité de Saint-Cyran, il eut pour directeur Antoine Singlin, autre confesseur des religieuses, et se fit bâtir un château à Vaumurier, tout près de Port-Royal des Champs. Il y abrita plusieurs Solitaires persécutés et y accueillit Pascal après la nuit de feu du 23 novembre 1654. Philippe Goibaud du Bois étudia le latin en se rapprochant de Port-Royal au milieu des années 1650 ; il compte parmi les « pascalins » les mieux connus. C’est l’historien Nicolas Le Nain de Tillemont, un ancien élève des Petites Écoles, qui fournit les notes de sa traduction des Lettres de S. Augustin en 1684. Claude Séguenot, qui publie une traduction De la virginité en 1638, est membre de l’Oratoire, un ordre proche de Port-Royal, de même que François de Villeneuve32. Louis Giry, Martin Lardenoy33, Quillet de La Croix-Christ34, et Gaspard de Tende35, seigneur de L’Estang, qui fut trésorier de la reine de Pologne, Marie-Louise de Gonzague, proche de la mère Angélique, sont tous des amis du monastère : à chacun, le Dictionnaire de Port-Royal (2004) consacre une notice. Louis Troya d’Assigny, traducteur du traité De l’incrédulité au xviiie siècle, poursuit les combats de la communauté après la destruction du monastère par Louis XIV. Simon-Michel Treuvé, qui publie des Confessions de saint Augustin abrégées en 1735, fut un théologien proche du monastère et un des opposants les plus farouches de la bulle Unigenitus.
31Dans la communication où Jean Dagens présentait le xviie siècle comme le « siècle de saint Augustin », il notait, à la suite de Sainte-Beuve, le rôle des « écrivains de Port-Royal » dans le phénomène. Ils se sont voués, écrivait-il, « avec zèle à la diffusion de l’œuvre de saint Augustin. Ils ont été des traducteurs infatigables. Une bibliographie complète donnerait une idée de cette invasion de textes augustiniens36. » Non seulement une amorce de celle-ci confirme la remarque, mais elle permet de poser que la traduction en français de l’évêque d’Hippone est, à partir de la seconde moitié du siècle, à l’exception de la réédition de traductions antérieures, entièrement dominée par Port-Royal. La traduction d’Augustin s’inscrit dans le même mouvement qui amène Antoine Arnauld à dédier son livre De la fréquente communion (1643) à la princesse de Guéméné37. Traduit en français, saint Augustin a vocation à sortir de l’Université et des séminaires pour entrer dans les salons et les cabinets des particuliers, hommes et femmes confondus. Ainsi se produit-il au xviie siècle, en France, une extraordinaire extension du domaine de l’influence immédiate de l’évêque d’Hippone et de sa pensée. Les débats entre le marquis de Sourdis, la comtesse de Maure et Madame de Sablé conservés dans les portefeuilles Vallant en sont un vif exemple38.
32La traduction n’est pas une opération neutre : elle informe le texte qu’elle traduit et l’image de son auteur. L’Augustin français du xviie siècle est ainsi amplement un Augustin port-royaliste, saint-cyranien et arnaldien39. C’est à cette date aussi, et sans surprise, que l’Hipponate s’impose dans les consciences comme le « Docteur de la grâce », un syntagme forgé par Antoine Arnauld40. Ce faisant, Port-Royal assura une exceptionnelle fortune à saint Augustin, plaçant durablement ce Père de l’Église au cœur d’une culture mondaine qui ignore largement les autres docteurs de l’Église, mais le groupe façonna aussi une vision de son œuvre et de sa pensée, et fit porter sur lui son ombre, avec ce qu’elle put lui valoir de lustre, puis de décri, quand les malentendus et les mésinterprétations s’accumulèrent au xixe siècle41. L’incidence du phénomène fut d’autant plus forte, que la querelle du jansénisme ne demeura pas cantonnée à la France, mais toucha notamment l’Italie et le reste de l’Europe (ainsi l’Église d’Utrecht aux Pays-Bas).
33Il est impossible d’ignorer l’autre conséquence de la traduction d’Augustin par Port-Royal. Cette entreprise, conduite dans un français à la pointe du goût, adapté aux exigences de politesse des gens du monde, quoique attaché à rendre fidèlement l’original de l’évêque d’Hippone, a permis que sa vision de l’homme, amplement diffusée, pénètre toute la littérature de la période. Moralistes à l’instar de La Rochefoucauld, de Jacques Esprit, de Pierre Nicole, auteurs de fiction comme Madame de Lafayette et Saint-Réal, ou, parmi les dramaturges, Racine, mais aussi conteurs ou conteuses : la famille de Charles Perrault est étroitement liée au monastère et sa fille y fut pensionnaire. Philippe Sellier a montré quelle familiarité Pascal entretenait de première main avec l’œuvre de saint Augustin, sans doute lue en latin et en français.
34Cette présence de l’Hipponate a pesé sur le discours moral de l’âge classique, mais elle a aussi été à l’origine d’un développement sans précédent du genre des Confessions, de celui des Mémoires et de la Vie à la première personne, entre Confessions et récit hagiographique, comme les religieuses de Port-Royal en composèrent tant42. Le goût de la disquisition morale, de l’analyse des « replis » du cœur, l’intérêt pour l’imagination, l’expression de l’inquiétude, la pensée du temps, dans la littérature du xviie siècle, ont trouvé en l’évêque d’Hippone un puissant modèle, de même qu’il fut à l’origine du choix résolu, dans la création littéraire, de l’intelligence et de la raison face aux insinuations des sens – François de Villeneuve l’exprime avec force dans l’« Avertissement » de sa traduction des Sermons de saint Augustin où il nomme la première le « sanctuaire de l’âme » et l’exalte face à l’imagination43. Sans doute les traductions françaises de saint Augustin jouèrent-elles ainsi un rôle crucial dans l’émergence d’une France « classique », se détournant des blandices de l’ornement et d’une sollicitation des sens, dans une Europe quant à elle résolument tridentine, jésuite ou, pour le dire autrement, « baroque », attachée à la devise : far stupir.
35Jean Dagens, quoiqu’il eût commencé d’écrire pour souligner l’augustinisme d’un Bérulle et ses spécificités face à Port-Royal achevait en concluant : « Grâce au succès littéraire des livres port-royalistes saint Augustin aura en France, dans la seconde moitié du siècle, une audience universelle, tandis que Bérulle n’atteignait guère directement que le clergé et des religieuses44. » Si Augustin triomphe au xviie siècle, imprégnant durablement les plus fortes œuvres de la littérature française, c’est, en effet, grâce à la façon dont Port-Royal s’en saisit. – Ad majorem Sancti gloriam ? Sans doute. L’association de saint Augustin à Port-Royal par les traductions françaises que le groupe en fit conditionna sa réception et sa lecture pour près de quatre cents ans, en imposant de lui, à l’image de sa représentation par le peintre Philippe de Champaigne, dont la fille fut religieuse au monastère, celle du plus ardent des Pères de l’Église, comme défini par le cœur embrasé qu’il tient dans sa main gauche, en regard de la plume que pincent les doigts de sa main droite. Ainsi Madame de Sévigné écrit-elle le 4 novembre 1676 :
Nous lisons toujours saint Augustin avec transport. Il y a quelque chose de si noble et de si grand dans ses pensées que tout le mal qui peut arriver, aux esprits mal faits, de sa doctrine est bien moindre que le bien que les autres en reçoivent45.
36Porté au premier plan au xviie siècle par Port-Royal, Augustin devint, à travers sa lecture, la figure par excellence d’un amour de Dieu à la fois feu et ravissement. Toutes les traductions du saint soulignent alors qu’il ne saurait être de véritable approche de Dieu que fondée sur une ignition radieuse du croyant, bousculant la précellence revendiquée, jusqu’alors, par le discours théologique46. Ainsi la question de la diffusion d’Augustin au Grand Siècle n’est-elle pas qu’affaire de réseaux, de volumétrie ou même d’influence dogmatique. Elle engage l’histoire du rapport à la foi des femmes et des hommes de la période.
1 Madame de Sévigné, Correspondance, éd. Roger Duchêne, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1978, t. III, p. 917-918.
2 Ibid., t. II, p. 516.
3 Ibid., t. II, p. 250.
4 Jean Dagens, « Le xviie siècle, siècle de saint Augustin », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1953, p. 31-38. Les deux publications majeures qui se situèrent dans ce sillage sont le numéro « Le Siècle de saint Augustin » paru dans la revue xviie siècle, no 135, 1982 et le volume Augustin au xviie siècle, actes du colloque organisé par Carlo Ossola au Collège de France (2004), Firenze, Leo Olschki Editore, 2007.
5 La question de l’augustinisme de Racine, longtemps jugée n’être pas pertinente, fait aujourd’hui l’objet d’une réévaluation. Voir, notamment, Tony Gheeraert, « Voix de Dieu, voix des dieux : oracles, visions et prophéties chez Jean Racine », Études Épistémè [En ligne], no 12, 2007, https://journals.openedition.org/episteme/922 et, du même auteur, « Sublime Bérénice », Études Épistémè [En ligne], no 34, 2018, https://journals.openedition.org/episteme/3507, puis « Naissance des monstres : le mal et ses doubles dans Britannicus » dans Racine’s Roman Tragedies, éd. Nicholas Hammond et Paul Hammond, Leiden, Brill, « Faux Titre », 2021, p. 185-202 et « Bérénice, l’amour en fuite », Études Épistémè [En ligne], no 40, 2021, https://journals.openedition.org/episteme/13482. Sur le sujet, voir aussi Constance Cagnat-Debœuf, « La fausseté des vertus dans Bérénice », Études Épistémè [En ligne], no 40, 2021, https://journals.openedition.org/episteme/13497, Victoire Malenfer, « “Cet amour est ardent, il le faut confesser”. La tragédie de l’amour excessif et de l’attachement dans Bérénice », Études Épistémè [En ligne], no 40, 2021, https://journals.openedition.org/episteme/13455, ainsi que Laurence Plazenet, « “De mes pleurs vous ne vous rirez plus” : le Cas Antiochus », Études Épistémè [En ligne], no 40, 2021, https://journals.openedition.org/episteme/13397, pages consultées le 24 avril 2024.
6 Le recensement accompli porte sur le catalogue tel qu’il se présentait en octobre 2022, indépendamment de possibles ajouts ou modifications depuis cette date.
7 Sur saint Thomas rival de saint Augustin, voir Gérard Ferreyrolles, « L’augustinisme dans la vie intellectuelle française au xviie siècle », dans De Pascal à Bossuet. La littérature entre théologie et anthropologie, Paris, Honoré Champion, « Lumière classique », 2020, p. 704-705.
8 Typiquement, les quelques volumes contenant des frontispices ont quant à eux ce statut, à l’instar des Soliloques traduits par René de Cerisiers en 1639, de sa traduction des Confessions, parue à Paris, chez la veuve de Jean Camusat en 1642 ou de celle proposée par Robert Arnauld d’Andilly, aussi chez la veuve de Jean Camusat et Pierre Le Petit en 1649.
9 Instructions chrestiennes reccueillies des sermons que S. Augustin a faits sur les pseaumes, Paris, Siméon Piget et Charles Savreux, 1662, « Avertissement », p. ã v-ã vj.
10 Les Lettres de S. Augustin, traduites en françois sur l’édition nouvelle des Pères Benedictins de la Congregation de S. Maur, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1684, t. 1, p. e ij-ijv°.
11 Madame de Sévigné, op. cit., t. III, p. 823-824.
12 Les Soliloques, le Manuel, et les Meditations de saint Augustin. De la traduction du R. P. de Ceriziers de la Compagnie de Jésus, Paris, Jean Camusat, 1639, « Éclaircissement sur cette traduction », p. ã iii : « Peut-estre que mon travail produira quelque bon fruit, et que Saint Augustin ne parlera pas inutilement François à ceux, qui n’entendent pas le Latin. Ce n’est pas que j’estime, que les Femmes, qui sont le principal sujet de cette version, soient incapables d’avoir d’elles-memes de bonnes pensées, ou qu’elles ayent besoin de mon secours, afin d’estre devotes. »
13 Saint Augustin, De la Cité de Dieu, traduite par le Sieur de Ceriziers, Aumosnier du Roy, Paris, Pierre Le Petit, 1655, « Preface » (première page, non numérotée). L’ouvrage est néanmoins dédié au Président Le Coigneux.
14 La Cité de Dieu de Saint Augustin, traduitte en françois. Et reveue sur plusieurs anciens Manuscrits ; Avec des Remarques et des Notes qui contiennent quantité de corrections importantes du texte latin, Paris, André Pralard, 1675, t. I, « Avertissement » (pages non numérotées).
15 Début de l’Avertissement (les pages ne sont pas numérotées) des Soliloques de saint Augustin, mis en vers françois avec le latin et une méditation sur le Jugement dernier, Paris, Jean Couterot, 1696.
16 Voir Les Lettres de S. Augustin, traduites en françois sur l’édition nouvelle des Peres Benedictins de la Congregation de S. Maur, où elles sont rangées selon l’ordre des temps, revuës et corrigées sur les anciens manuscrits, et augmentées de quelques Lettres qui n’avoient pas encore paru : avec des notes sur les points d’histoire, de Chronologie, et autres qui peuvent avoir besoin d’éclaircissement, Paris, Jean Baptiste Coignard, 1684.
17 Chaque page est divisée en portions de dix lignes désignées par une lettre : A pour les dix premières, B pour les dix suivantes, etc.
18 Voir Traduction du livre de S. Augustin de la Correction et de la grace. Avec des Sommaires de la Doctrine, contenuë en chaque Chapitre, par M. Antoine Arnauld, Prestre, Docteur en Théologie de la Maison de Sorbonne, seconde édition, Paris, Antoine Vitré, 1647 [1re éd. 1644] et Traduction du livre de S. Augustin, des Mœurs de l’Eglise Catholique. Avec des sommaires de la Doctrine contenuë dans chaque Chapitre, par M. Antoine Arnauld, Prestre, Docteur en Théologie de la Maison de Sorbonne, seconde édition, Paris, Antoine Vitré, 1647 [1re éd. 1644].
19 Voir Jean-Louis Quantin, Le Catholicisme classique et les Pères de l’Église. Un retour aux sources (1669-1713), Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 2000, p. 383-384 et Les Soliloques, le Manuel et les Meditations de saint Augustin. De la traduction du R. P. de Ceriziers […] avec les devotes pensées sur le Sainct Sacrement, Paris, Jean Camusat,1639. Consulter aussi Jean-Louis Quantin, « L’Augustin du xviie siècle ? Questions de corpus et de canon », dans Augustin au xviie siècle, actes du colloque organisé par Carlo Ossola au Collège de France (2004), op. cit., p. 3-77.
20 Les Confessions de S. Augustin, traduction nouvelle sur l’edition latine des Peres Benedictins de la Congregation de S. Maur avec des notes, et de nouveaux Sommaires des Chapitres, Paris, Jean Baptiste Coignard, 1686.
21 Sur l’ouvrage au xviie siècle, voir Gérard Ferreyrolles, « L’Âge d’or de La Cité de Dieu ? », dans Augustin au xviie siècle, actes du colloque organisé par Carlo Ossola au Collège de France (2004), op. cit., p. 79-100.
22 Voir, en particulier, Philippe Sellier, Pascal et saint Augustin, Paris, Albin Michel, « Bibliothèque de l’Évolution de l’Humanité », 1995 [1re éd. 1970] et « Le Saint Augustin de Pascal », Rivisita di storia e letteratura religiosa, no 45, 2009, p. 359-371.
23 Madame de Sévigné, op. cit., t. III, p. 917.
24 Ibid., t. II, p. 988.
25 Voir Mireille Gérard, « Madame de Sévigné et Port-Royal : le milieu familial (1619-1644) », Chroniques de Port-Royal, no 38, 1989, p. 9-31.
26 Madame de Sévigné, op. cit., t. II, p. 963-964.
27 Le chapitre 8 des Constitutions du monastère, dévolu à la lecture, insiste au contraire qu’elles doivent avoir à cœur d’être « bonnes plus que savantes ».
28 L’ouvrage paraît à Paris chez Charles Savreux, libraire ami de Port-Royal.
29 Voir l’étude de Jean Mesnard, « Familles amies de Port-Royal. II. Les Lombert (1) », Chroniques de Port-Royal, no 38, 1989, p. 53-100.
30 Il fit paraître Explication de l’oraison dominicale, composée des pensées & des paroles mesmes de S. Augustin, qu’on a extraites avec une tres-exacte fidelité. Où l’on explique les secrets de l’humilité chretienne, & toute la substance de la divine parole de Jesus-Christ, Paris, Guillaume Desprez, 1674, ainsi que l’Explication de S. Augustin, et autres Pères latins, sur le Nouveau Testament, Paris, Lambert Roulland, 1675 et Réflexions de S. Augustin sur la vie de Jésus-Christ, Paris, Lambert Roullant, 1683.
31 Le volume parut chez Pierre Le Petit en 1677.
32 Il signa la traduction des Sermons de S. Augustin, sur le Nouveau Testament, traduits en françois, sur l’édition latine des PP. BB. De la Congregation de S. Maur, par l’autheur de la traduction des Lettres, et des Confessions du même Saint, Paris, Veuve Jean Baptiste Coignard et Jean Baptiste Coignard, 1694.
33 Il composa un recueil intitulé : Explication de l’oraison dominicale composée des pensées et des paroles mesmes de S. Augustin, qu’on a extraites avec une très-exacte fidélité, où l’on explique les secrets de l’humilité chrétienne, & toute la substance de la divine morale de Jesus-Christ, Paris, Guillaume Desprez, 1673.
34 Les Soliloques, le Manuel, et les Meditations de saint Augustin. Traduction nouvelle, par le Sieur D. L. C. C. Ecclesiastique, Paris, Charles Savreux, 1663.
35 Sermons de St Augustin, sur les sept Pseaumes de la Penitence, traduits en françois par D.T. Sr D. L., Paris, Pierre Le Petit, 1661.
36 Jean Dagens, op. cit., p. 35.
37 Significativement, du reste, le privilège de sa Traduction du livre de S. Augustin de la Correction et de la grace date du 29 mai 1643, pour un premier achevé d’imprimer le 8 octobre 1644. Le même privilège, accordé globalement à Diverses Traductions des Ouvrages des Saints Pères et Auteurs Ecclesiastiques vaut pour sa Traduction du livre de S. Augustin, des Mœurs de l’Eglise Catholique, achevée d’imprimer la première fois le 15 mars 1644.
38 Voir, notamment, dans La Rochefoucauld, Réflexions ou Sentences et Maximes morales et Réflexions diverses, éd. Laurence Plazenet, Paris, Honoré Champion, « Champion Classiques », 2005, p. 594-599.
39 La conclusion persiste au xviiie siècle. Voltaire lit des traductions d’Augustin qui émanent de Port-Royal : voir Jean-Louis Quantin et Scott Mandelbrote, « Augustine in the Seventeenth and Eighteenth Centuries » dans The Oxford Guide to the Historical Reception of Augustine, dir. Karla Pollmann, Oxford, Oxford University Press, 2013, t. I, p. 86.
40 Voir Simon Icard, « Augustin, docteur de la grâce : histoire d’un titre », Revue d’études augustiniennes et patristiques, no 63, 2017, p. 181-198.
41 Voir Bruno Neveu, « Augustinisme janséniste et magistère romain » et « Le statut théologique de saint Augustin au xviie siècle », dans Érudition et religion aux xviie siècle et xviiie siècle, préface de Marc Fumaroli, Paris, Albin Michel, « Bibliothèque Albin Michel Histoire », 1994, p. 451-472 et p. 473-490.
42 Sur le sujet, voir La Mémoire à Port-Royal. De la célébration eucharistique au témoignage, dir. Laurence Plazenet, Paris, Classiques Garnier, « Univers Port-Royal », 2016.
43 Les Sermons de S. Augustin, sur le Nouveau Testament, traduits en françois, sur l’édition latine des PP. BB. De la Congregation de S. Maur, par l’autheur de la traduction des Lettres, et des Confessions du même Saint, Paris, Veuve Jean Baptiste Coignard et Jean Baptiste Coignard, 1694, « Avertissement », p. xix : « […] l’intelligence est proprement le sanctuaire de l’ame ; et comme elle y habitoit tout entiere, dans l’état d’innocence, sans descendre dans ses autres facultez, qu’autant que les besoins de la nature le demandoient ; elle y habite encore plus ou moins, selon qu’elle a plus ou moins de sagesse et de vertu ; et elle n’est plus ou moins estimable, que selon le plus ou le moins de sejour qu’elle y fait ».
44 Jean Dagens, op. cit., p. 34.
45 Madame de Sévigné, op. cit., t. II, p. 438-439.
46 Antoine Arnauld écrit dans l’épître au lecteur de sa Traduction du livre de S. Augustin de la Correction et de la grace (1644) à propos de Dieu : « Que c’est luy seul qui peut allumer dans nos Ames le feu qui doit les brusler ». Dans sa Traduction du livre de S. Augustin, des Mœurs de l’Eglise Catholique, il parle de « cette Moralle d’amour et de charité, cette science que le doigt de Dieu doit escrire dans les cœurs ». De même, dans l’Avertissement des Soliloques de saint Augustin, mis en vers françois avec le latin et une méditation sur le Jugement dernier, le traducteur écrit : « […] si l’on veut bien se donner la peine de lire cet Ouvrage attentivement, l’on verra que tout y est plein de l’esprit du Christianisme, tout y est rempli de mouvemens affectueux, qui marquent un cœur tout pénétré de l’amour de Dieu, et tout brumant de s’unir à lui. » Cette vision est à enrichir de l’analyse proposée par Laurent Thirouin, « À la recherche du vrai saint Augustin », dans Les Écoles de pensée religieuse à l’Époque moderne. Actes de la journée d’études de Lyon (14 janvier 2006), textes réunis par Yves Krumenacker et Laurent Thirouin, « Chrétiens et Sociétés. Documents et mémoires », no 5, Lyon, RESEA – LARHRA, UMR 5190, 2006, p. 25-64.
Actes des IVe journées augustiniennes de Carthage (11-13 novembre 2022).
Textes réunis par Tony Gheeraert.
© Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude », n° 30, 2024
URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/index.php?id=1708.
Quelques mots à propos de : Laurence Plazenet
Université Clermont Auvergne
Centre international Blaise Pascal (IHRIM)