Réception créatrice contemporaine des mythes et grands récits de l’Antiquité

dir. par Ariane Ferry et Véronique Léonard-Roques

Responsables scientifiques

Ariane Ferry (Université Rouen-NormandieCÉRÉdI) et Véronique Léonard-Roques (Université de Bretagne Occidentale, Brest, HCTI)

Comité de lecture 

Ariane Eissen (Université de Poitiers)
Ariane Ferry (Université de Rouen-Normandie)   
Chantal Foucrier (Université de Rouen-Normandie)        
Ute Heidmann (Université de Lausanne)    
Sylvie Humbert-Mougin (Université de Tours)    
Dimitri Kasprzyk (Université de Brest)     
Claire Lechevalier (Université de Caen)  
Véronique Léonard-Roques (Université de Brest)           
Andrea Oberhuber (Université de Montréal)

Genèse et perspectives du carnet de recherche

Ce carnet de recherche en ligne consacré à la « Réception créatrice contemporaine des mythes et grands récits de l’Antiquité » trouve son origine dans l’atelier éponyme proposé lors du VIIIe Congrès de la Société Européenne de Littérature Comparée / European Society of Comparative Literature (ESCL/SELC) intitulé « Littératures, échanges culturels et transmission de savoirs et de créations : passé, présent et avenir ». Placée sous la direction de Fiona McIntosh et de Karl Zieger, cette manifestation s’est tenue à l’Université de Lille du 28 au 31 août 2019.
Les premiers textes publiés dans ce carnet sont issus des travaux de mythocritique [1] effectués dans ce cadre initial, mais aussi des sollicitations que nous avons adressées à de jeunes docteurs en littérature comparée. Nous espérons que d’autres articles pourront prochainement les rejoindre pour venir renforcer ce chantier de réflexions dans une entreprise ouverte et collective de work in progress.

Comment proposer un article

Les propositions d’article (argumentaire de 2 000 signes maximum) accompagnées d’une courte bio-bibliographie sont à adresser à Ariane Ferry (ariane.ferry@univ-rouen.fr) et Véronique Léonard-Roques (veronique.leonard@univ-brest.fr).
Les articles seront évalués par le comité de lecture avant publication.

Problématique et pistes de réflexion

Alors que la voie des humanités classiques séduit de moins en moins d’étudiants dans les universités et que ce phénomène de désaffection menace à terme la transmission de savoirs philologiques accumulés depuis des siècles, mais aussi le renouvellement des interprétations sur les grands textes hérités de l’Antiquité, certains de ces textes (tragédies et épopées grecques et romaines ou récits historiques), fondateurs dans le développement des mythes littéraires, mais aussi dans la constitution d’un imaginaire héroïque et politique, n’en continuent pas moins à stimuler la création contemporaine dans nombre de genres littéraires et de productions artistiques [2].
La transmission et l’interprétation des mythes [3] et grands récits de l’Antiquité passent-elles aujourd’hui davantage par leur réécriture, leur adaptation, leur révision critique et ludique que par le travail philologique des spécialistes ? Pierre Judet de La Combe, dans une récente tribune du Monde (« Idées », 28/04/2018), constatait que, d’un côté, on pouvait observer une véritable « effervescence » contemporaine autour d’Homère dont les poèmes suscitaient l’« enthousiasme » à travers leurs recréations, mais que, d’un autre côté, les hellénistes les abordaient généralement avec une « incrédulité sourcilleuse », et il finissait par déplorer « un conformisme intellectuel pesant quand ils [ces hellénistes] répètent inlassablement depuis des décennies qu’après tout l’Iliade et l’Odyssée ne sont pas vraiment des poèmes construits, des patchworks », se méfiant de cette « poésie orale […] alors qu’elle est stupéfiante ». Stupéfiante et stimulante, notamment pour la création théâtrale contemporaine… On observe par ailleurs que, parmi les romanciers et essayistes contemporains qui fictionnalisent ou s’approprient, de manière personnelle et parfois autobiographique, cette matière antique, il y a des universitaires et des enseignants classicistes, conscients peut-être que la transmission traditionnelle est en crise et qu’elle se joue ailleurs aujourd’hui que dans les classes et amphithéâtres (Valerio Manfredi, Madeline Miller, Daniel Mendelsohn, William Marx, Sylviane Dupuis etc.)
Ce carnet propose donc une réflexion collective autour des modalités et enjeux de la transmission contemporaine des mythes et grands récits antiques et de leur réception à l’aune des changements de paradigmes socio-culturels et d’imaginaire. Car, comme l’a récemment remarqué Emmanuel Laurentin lors des Deuxièmes États généraux de l’Antiquité (Sorbonne, 8 et 9 juin 2018), l’Antiquité aujourd’hui « est d’abord le miroir de nos désirs, de nos fantasmes, c’est une grande toile tendue sur laquelle chacun peut projeter ses références » (article d’Agathe Moissenet, Le Monde des Livres, 29/06/2018).
Il accueille et accueillera des contributions sur toutes les formes d’adaptation (transmodalisation, hybridité générique et intermédialité) et de réécritures d’épisodes mythiques configurés dans la tragédie ou l’épopée (grecque / latine), mais aussi de réécritures ou de transformations (traductions nouvelles assorties de commentaires) des grands récits épiques et historiques à la source du canon occidental (Homère, Virgile, mais aussi Plutarque, par exemple).
Les articles ici rassemblés mettent en perspective les enjeux idéologiques, herméneutiques, éthiques et esthétiques de cette réception créatrice pour interroger la capacité des œuvres contemporaines à transmettre les grandes œuvres antiques et à assurer leur rayonnement. Si tout mythe littéraire vit de la transformation, de la contestation, de la révision idéologique (revisionist mythmaking [4]), mais aussi de la remédialisation de quelques textes fondateurs, les productions contemporaines qui actualisent, détournent, tronquent et manipulent ces récits peuvent peut-être parfois rendre incompréhensible toute une tradition d’interprétation. Nous proposons donc aussi d’examiner l’évaluation d’exemples de cette réception créatrice contemporaine dans des essais ou articles de presse, afin de mesurer comment évolue, sur les plans générique, poétique / esthétique, idéologique et éthique, notre rapport aux grands textes antiques.


[1] Sur la mythocritique, nous renvoyons par exemple aux travaux suivants : Pierre Brunel,Mythocritique. Théorie et parcours, Paris, Presses Universitaires de France, 1992 ; Danièle Chauvin et alii (dir.), Questions de mythocritique, Paris, Imago, 2005 ; Véronique Gély, « Pour une mythopoétique : quelques propositions sur les rapports entre mythe et fiction », SFLGC, bibliothèque comparatiste, 2006, URL : http://sflgc.org/bibliotheque/gely-veronique-pour-une-mythopoetique-quelques-propositions-sur-les-rapports-entre-mythe-et-fiction/?pdf=1591, page consultée le 12 avril 2021 ; Sylvie Parizet (dir.), Mythe et littérature, Nîmes, Lucie Éditions/SFLGC, coll. « Perspectives comparatistes », 2008 ; Véronique Léonard-Roques (dir.), Figures mythiques. Fabrique et métamorphoses, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2008 ; Ute Heidmann, Maria Vamvouri Ruffy et Nadège Coutaz (dir.), Mythes (re)configurés. Création, dialogues, analyses, Lausanne, collection du CLE, 2013 accessible en ligne : https://www.unil.ch/lleuc/home/menuinst/publications/collection-du-cle.html, page consultée le 12 avril 2021.

[2] Parmi les études récentes consacrées à cette fécondité : Emily Greenwood and Barbara Graziosi, Homer in the Twentieth Century : Between World Literature and the Western Canon, Oxford, Oxford University Press, 2007 ; Véronique Gély, « Les Anciens et nous : la littérature contemporaine et la matière antique », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 2009/2 et « Partages de l’Antiquité : un paradigme pour le comparatisme », Revue de Littérature Comparée, 2012/4, no 344 ; Mélanie Bost-Fiévet et Sandra Provini (dir.), L’Antiquité dans l’imaginaire contemporain, Paris, Classiques Garnier, 2014 ; Véronique Krings et Catherine Valentini (dir.), L’Antiquité imaginée. Les références antiques dans les œuvres de fiction (XXe-XXIe siècles), Bordeaux, Ausonius, 2019 ; Fiona Cox and Elena Theodorakopoulos (eds.), Homer’s Daughters. Women’s Responses to Homer in the Twentieth Century and Beyond, Oxford, Oxford University Press, 2019 ; Claire Lechevalier et Brigitte Poitrenaud-Lamesi (dir.), Un besoin d’Homère (de la fin du XXe siècle à aujourd’hui), actes du colloque des 15 et 16 octobre 2020, Université de Caen, à paraître.

[3] Nous empruntons à Véronique Gély la définition suivante du « mythe » : « Tradition, image, scénario ou récit reconnus et répétés au sein d’une communauté humaine » (V. Gély, « Les sexes de la mythologie. Mythes, littérature et gender », dans Anne Tomiche et Pierre Zoberman (dir.), Littérature et identités sexuelles, Paris, SFLGC, coll. « Poétiques comparatistes », 2007, p. 48).

[4] Alicia Ostriker, « The Thieves of Language: Women Poets and Revisionist Mythmaking », Signs, 8, 1982.

Logos

Réception créatrice contemporaine des mythes et grands récits de l’Antiquité

Poétique du mythe de Jocaste : le nécessaire entrelacement de l’essai et de la fiction dans les écrits de Lucie-Anne Skittecate

Cassandre Martigny


Texte intégral

1 

J’ai trouvé en moi, comme partout ailleurs, des sentiments d’amour envers ma mère et de jalousie envers mon père, sentiments qui sont, je pense, communs à tous les jeunes enfants […]. S’il en est bien ainsi, on comprend, en dépit de toutes les objections rationnelles qui s’opposent à l’hypothèse d’une inexorable fatalité, la puissance saisissante d’Œdipe Roi1.

2Dans sa lettre adressée à Wilhelm Fliess du 15 octobre 1897, Freud établit une équivalence entre les résultats de son auto-analyse et l’intrigue de l’Œdipe Roi de Sophocle, pour définir ce qui deviendra dans ses écrits postérieurs le « complexe d’Œdipe2 ». La « puissance saisissante » (packende Macht) de la tragédie de Sophocle, représentée dans le cadre de l’Athènes démocratique de Périclès entre 429 et 425 avant notre ère, prouve, selon lui, l’existence universelle dans la psyché enfantine de tendances semblables à celle du héros parricide et incestueux : le fils désire ainsi la mort de ce rival qu’est le personnage du même sexe et désire sexuellement le personnage de sexe opposé3. Du fait de la grande postérité de cette théorie dans la pensée occidentale, il est impossible de dissocier le champ littéraire des études psychanalytiques s’agissant d’une histoire qui souvent est uniquement connue par les commentaires de Freud. La fiction, en l’occurrence l’intrigue agencée par Sophocle, a ainsi nourri la pensée théorique en sciences humaines et cette théorie est elle-même devenue la matrice de nouveaux écrits de fiction, comme en témoignent le grand nombre d’œuvres littéraires prenant moins pour point de départ la tragédie attique que la lecture qu’en a un jour donnée Freud4. La psychanalyse a ainsi créé « un mythe du mythe5 » d’Œdipe : en donnant une définition universalisante au mythe grec6, non seulement elle reconfigure le personnage et son histoire pour explorer des enjeux qui lui sont propres, mais aussi réélabore et réactualise le mythe d’Œdipe, cette fois-ci compris dans sa dimension littéraire, par l’apport de nouvelles conditions de réception propices à de nouvelles créations et variations inventives.

3Ce sont les effets de cet entrelacement entre théorie et fiction sur la poétique d’un mythe – sa fabrication mais aussi sa capacité à donner naissance à de nouveaux discours par discussion, reprise des modèles critiques et déplacements – que nous voudrions analyser, en partant, non plus d’Œdipe, mais de Jocaste, l’épouse qui, à la suite de la révélation de l’identité du roi de Thèbes, se découvre mère incestueuse. À l’heure des mouvements féministes des années 1970-1980, elle devient le personnage principal de pièces de théâtre et de récits en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine7, mais aussi la figure centrale d’essais remettant en cause les théories freudiennes qui, en définissant le désir féminin comme manque et en prônant le monisme phallique, auraient assigné les femmes à leur destin maternel et consacré leur subordination8. Pour délivrer les femmes d’un mythe construit par Freud et ses successeurs, Christiane Olivier décide de suivre la perspective de Jocaste dans son essai Les Enfants de Jocaste : l’empreinte de la mère (1980)9. Elle y insiste sur l’importance de sortir du paradigme du « complexe d’Œdipe » pour penser la mère, objet de désir du fils, comme femme et sujet. Cet ouvrage a été déterminant dans l’élaboration d’une autre pensée du désir féminin élaborée par des femmes, que ce soit dans l’essai de Francine Comte, Jocaste délivrée : maternité et représentation des rôles sexuels (1991)10, ou dans celui de Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste : essai sur l’inconscient féminin (1995)11. Pour de nombreuses autrices, ces écrits psychanalytiques constituent une importante source d’inspiration à leurs réécritures et adaptations littéraires de l’Œdipe Roi de Sophocle12. L.-A. Skittecate est cependant la seule à notre connaissance13 à avoir pris pour point de départ le personnage de Jocaste non seulement dans un ouvrage de psychanalyse théorisant le désir féminin mais aussi dans une réélaboration romanesque du mythe d’Œdipe, Crie, Jocaste, crie (2004). Du silence au cri, l’autrice et psychanalyste propose ainsi une application et un prolongement littéraire à sa réflexion théorique. Il s’agira d’analyser la manière dont ces dynamiques d’échanges entre essai et fiction refaçonnent le personnage féminin et son histoire, participant ainsi de l’avènement d’un véritable mythe de Jocaste, indépendant de celui d’Œdipe.

Partir de Jocaste pour écrire l’« autre psychanalyse »

4Dans Les Enfants de Jocaste, Christiane Olivier invite les femmes psychanalystes à écrire « l’autre psychanalyse14 », celle qui part de la figure féminine de l’Œdipe Roi, afin de lutter contre des discours qui la dépossèdent d’elle-même et de son désir. Francine Comte répond à l’appel lancé par sa prédécesseuse dans l’ouvrage Jocaste délivrée : maternité et représentation des rôles sexuels (1991), qui reprend, nuance et conteste certaines des propositions formulées dans Les Enfants de Jocaste. Ces deux autrices inspirent Lucie-Anne Skittecate dans l’écriture de son propre essai psychanalytique, Les Silences de Jocaste :

Des psychanalystes femmes étudient les moyens pour lutter contre une image dévalorisante de la femme. […] Francine Comte, en vantant l’enrichissement apporté par la paternité, Christiane Olivier, en montrant les méfaits causés par la carence affective des pères15.

5Dans la continuité d’Olivier, Skittecate dénonce le fait que Freud et ses successeurs, « [en] tir[ant] la sexualité féminine de la libido masculine », ont donné un aspect scientifique à une infériorité constatée socialement qu’il ne fait que renforcer16. Elle ajoute que la psychanalyse, en faisant de la libido une source d’énergie uniquement masculine, a dénié aux femmes toute possibilité de marquer la culture de leur empreinte spécifique : Skittecate se déclare ainsi biologiquement femme mais culturellement « un homme » du xxe siècle. « Mon langage, mes croyances, mes mythes sont masculins », écrit-elle, « les grandes œuvres philosophiques, scientifiques, littéraires, dont je me nourris, sont des œuvres d’hommes et je ne pourrais les désavouer sans me condamner au silence17. » L’absence de représentation du « sexe muet18 » et de son désir ne peut conduire qu’à l’aliénation : pour la psychanalyste, « tant que la femme ne sera pas reconnue dans sa spécificité sexuée, tant que Jocaste restera partiellement condamnée au silence, elle ne pourra s’insérer dans la tradition patriarcale, suivant son identité affective et intellectuelle propre19 ». Elle explique que le masculin « s’est toujours vécu comme sujet de l’histoire, des sciences, de la philosophie », et est reconnu dans son identité, alors que le féminin est représenté comme son « double, sa moitié silencieuse, son ombre20 ». Si le féminin est pensé comme « l’autre » par rapport au masculin, comme l’objet de ses désirs, de ses peurs ou encore de sa vénération, il n’est cependant jamais « l’autre », au sens fort du terme, et c’est « ce manque d’être » qui constitue « le facteur primordial de son infériorisation dans tous les domaines21 ». À cette disqualification essentialiste, s’ajoute une disqualification d’ordre axiologique : quand elle n’est pas la mère, « la22 » femme est renvoyée à l’image de la prostituée, aux figures monstrueuses de la Gorgone, de la Sphinge ou des Érinyes23, aux femmes coupables et séductrices qui hantent les écrits antiques et bibliques et les mythes de la culture occidentale24.

6Pour mettre fin à ces représentations de l’altérité féminine, la psychanalyste invite à reconsidérer les récits qui ont forgé la culture occidentale, non plus sous l’angle d’Adam ou d’Œdipe mais depuis le point de vue d’Ève et de Jocaste, femmes « jusqu’ici condamnées au silence25 ». « Que Jocaste, enfin, prenne la parole ! » écrit l’autrice avant d’ajouter que « la reconnaissance positive de la différence sexuée libérera la femme – mais aussi l’homme – et peut-être ce dynamisme retrouvé de l’inconscient féminin leur apportera-t-il de nouvelles possibilités d’invention et de créativité26 ». Elle donne un exemple littéraire de ce changement de paradigme théorique dans son roman Crie, Jocaste, crie (2004), dont le titre souligne l’urgence et la nécessité pour Jocaste et les femmes qu’elle représente alors de faire entendre leur voix27. La figure théorique redevient ainsi un personnage qui tire sa complexité des réflexions développées par l’autrice dans son essai. Jocaste n’est cependant plus un personnage de théâtre : elle acquiert une existence romanesque qui permet l’émergence de nouvelles représentations.

Jocaste dit : la recherche d’une identité perdue

7« Ne serait-il pas temps, pour la femme, d’opposer aux projections masculines la reconnaissance d’elle-même comme sujet parlant et désirant28 ? » : cette phrase tirée des Silences de Jocaste annonce le projet poétique mis en œuvre par Skittecate dans Crie, Jocaste, crie. À travers ses vingt et un chapitres29, le roman retrace la vie de Jocaste, de sa jeunesse à sa mort, et même au-delà de celle-ci pour montrer la « survivance » de la mère dans l’esprit des autres personnages de l’intrigue30, ainsi que sa persistance en tant que figure mythique dans l’esprit du lectorat. Le genre romanesque rend possible des « extensions31 », reposant souvent sur une continuation analeptique par rapport aux œuvres qu’il réélabore, ici la tragédie Œdipe Roi, ou correspondant à des événements totalement absents de ces sources. En racontant le passé de Jocaste, un passé dans lequel Œdipe n’existe pas, l’autrice rompt avec la réinterprétation psychanalytique de l’Œdipe Roi qui oriente la destinée œdipienne vers la réalisation de son « complexe », et avec les nombreuses œuvres qui ont voulu montrer le passé d’Œdipe, de son départ de Corinthe à sa victoire sur la Sphinge, en passant par sa rencontre avec Jocaste, pour souligner les désirs inconscients du fils en quête de sa mère32. En changeant de perspective, l’autrice sort Jocaste de sa position d’objet pour qu’elle puisse devenir sujet et personnage principal de son histoire.

8La narration à la troisième personne s’immisce dans l’intériorité du personnage féminin grâce au discours indirect libre pour dénoncer l’aliénation que celui-ci subit. En tant que femme, Jocaste n’est qu’un objet de tractation, « qu’un maillon vers le pouvoir33 », un pouvoir qu’elle ne peut cependant exercer. En effet, alors que l’héroïne cherche à s’accomplir en tant que reine et à « jouer un rôle34 », Laïos lui ordonne de cesser des occupations qu’il juge « indécentes » parce qu’elles dépassent le cadre de la sphère domestique pour toucher la sphère politique35. La situation ne s’améliore guère avec Œdipe qui refuse de suivre les conseils de son épouse36 et met un terme aux travaux d’assainissement qu’elle avait entrepris dans le but d’éradiquer les maladies, de purifier concrètement mais aussi métaphoriquement une cité soumise aux passions destructrices de ses dirigeants :

Jocaste aurait aimé partager le pouvoir avec lui mais cette idée faisait rire [Œdipe]. […] N’empêche, reine depuis tant d’années, elle aurait pu exercer le pouvoir mieux que les gouvernants qui jalousaient Œdipe et les prêtres qui rêvaient de le supplanter. Même ses travaux d’assainissement, il a souhaité qu’elle y mette fin. […] et Jocaste a cédé : décidément les hommes sont tous pareils, incapables tant ils ont peur d’elles d’intégrer une femme dans les affaires du gouvernement. Dommage37 !

9La problématique soulevée par le personnage est proche de celle énoncée par la psychanalyste dans Les Silences de Jocaste : elle explique que, pour revaloriser les femmes dans l’inconscient, c’est toute « l’image de la femme qu’il faut changer » en trouvant d’autres modèles que ceux de la « vierge effarouchée » ou de « la matrone, entourée d’enfants38 ». Mais elle met dans le même temps l’accent sur les résistances face à une « femme capable de travailler, de créer, une femme pragmatique et multiple » qui désarçonne, qui soulève le rire d’Œdipe dans le roman, en allant à l’encontre de modèles plus traditionnels39. Les réflexions de Jocaste sur la peur inspirée par le féminin au masculin reprennent celles déjà exprimées par la psychanalyse dans Les Silences de Jocaste :

Une question s’impose pour conclure : pourquoi dans une culture consacrant séculairement la prédominance des mâles, la peur des femmes reste-t-elle si prégnante ? Il serait simpliste de dire que cette peur est celle de tout dominant face à l’opprimé susceptible de se révolter ; la peur de la femme est plus complexe car archaïque. Elle est là, dès l’enfance, dans l’inconscient : peur de la mère-ogresse, de la femme castratrice, si bien que l’image déconcertante de la femme toute-puissante hante notre littérature, nos mythes, nos contes, nos romans40.

10L’autrice fait notamment référence aux théories de Freud qui ont contribué à l’essentialisation de la féminité en l’associant constamment à un mystère, à un « continent noir41 » – territoire de fantasmes et de cauchemars qui révèle la terreur originelle du psychanalyste vis-à-vis du féminin. Pour Jocaste et les femmes qu’elle incarne, il est ainsi nécessaire « d’aborder la culture avec ses harmoniques personnelles et non plus suivant une parole masculine qui la nie ou la disloque en images qui ne la concernent pas42 ».

11Cette négation et cette aliénation conduisent à la mort symbolique et réelle de la protagoniste du roman de Skittecate. Jocaste déplore le fait qu’Œdipe, « comme tous les petits garçons qui n’ont pas su grandir, a toujours eu peur de la femme-mère43 ». Celui-ci rejette la culpabilité de son propre désir sur la mère incestueuse après la révélation de la vérité de leur relation : « C’est tellement facile de se voiler pudiquement la face en les désignant, elles, les mères comme seules responsables de ce formidable flux d’amour et de haine qu’il faut maîtriser pour conquérir son identité44 ». Jocaste devient ainsi le bouc émissaire, la représentante vivante de la souillure devant être expulsée de la cité, en tant qu’épouse-mère. Pourtant, elle est avant tout la victime des fautes des hommes et d’une fatalité tragique imposée moins par les dieux que par la société patriarcale45. Tout au long du roman, Jocaste condamne « en imagination », la folie des hommes, l’absurdité des dieux, des prêtres et des prophètes, dont les femmes sont « éternelles victimes46 ». Elle réprime le sentiment d’injustice qui monte en elle lorsque Laïos condamne l’enfant né de leur union à être exposé47, puis « a envie de […] crier l’amertume qui la submerge en pensant à tous les hommes qui l’ont freinée48 ». Les silences de Jocaste, loin de révéler la culpabilité de celle qui aurait reconnu son fils sous les traits de son époux, témoignent de l’oppression qu’elle subit en tant que femme. Ce destin auquel elle ne peut échapper est aussi, symboliquement, celui auquel elle a été renvoyée par la psychanalyse qui, selon Skittecate, consacre la dévalorisation systématique du féminin dans l’inconscient. « Patience ! se dit l’héroïne du roman, un jour, [les femmes] crieront leur révolte, leurs douleurs et peut-être qu’alors la paix redeviendra possible49 ».

Jocaste crie : la dénonciation d’un système oppressif

12Lucie-Anne Skittecate fait de Jocaste une figure rebelle qui refuse les assignations et les systèmes figés. Dès l’âge de quatre ans, elle s’échappe du palais pour découvrir les prairies environnantes ; à l’adolescence, elle rêve de voyager à travers la Grèce quand les « filles de son âge [lui] paraiss[ent] ridiculement acquises au clan des femmes dans l’attente d’un mari50 ». Plus âgée, c’est sur le terrain de la sexualité qu’elle entend se libérer. En conquérant une voix, Jocaste peut dire un désir qui, lorsqu’il n’est pas tout simplement impensé par la psychanalyse, est nécessairement coupable51. Dans son roman, le tabou qui entoure cette parole de désir est moins dû au caractère incestueux de la relation avec Œdipe, dont les personnages n’ont d’ailleurs pas conscience avant la révélation finale, qu’au silence et à la répression qui pèsent sur la sexualité féminine. Après avoir été violée par son premier mari Laïos lors de la nuit de noces, Jocaste s’interroge sur l’éducation qu’elle a reçue, destinée à faire d’elle une bonne épouse. La question des rapports hommes / femmes ou celle de la sexualité n’a jamais eu sa place dans cet enseignement, ce qui a plongé le personnage dans une profonde ignorance : « Les femmes du gynécée lui avaient appris son rôle d’épouse : jouer de la cithare, distraire son époux, surveiller les serviteurs mais aimer est-ce que cela s’enseigne52 ? » Dans son essai psychanalytique Les Silences de Jocaste, Skittecate explique que, pour lutter contre l’infériorisation des femmes dans l’inconscient, il est nécessaire qu’elles apprennent à connaître leur corps et à « magnifier [leur] sexualité spécifique53 ». La description que l’héroïne du roman donne de l’orgasme n’est sans doute pas étrangère à cet appel théorique. Jocaste trouve en effet dans les bras de son deuxième mari, Œdipe, un bonheur qu’elle n’avait jamais connu et crie sa jouissance sexuelle, véritable révélation intérieure54 qui marque sa (re)naissance en tant que femme. La romancière et psychanalyste imagine aussi que le personnage féminin ait pu avoir des relations sexuelles avec une femme, son amie Daphné, durant son mariage avec Laïos :

en se caressant, elles se retrouvent dans un telle douceur d’elles-mêmes qu’elles ne peuvent que rire comme des gamines. Elle a une peau si douce, Daphné, des seins tout petits que son amie prend dans la coupe de sa main, une chair pulpeuse sous les doigts ; elle ne dit rien, elle reste à demi-nue entre les bras de Jocaste, le corps frissonnant comme un roseau dans le vent55.

13Cette intimité partagée représente pour les deux femmes un moment de liberté où « complices, elles rêvent de vagabonder librement au soleil » tout en sachant pertinemment que « la vie de cour n’est pas faite pour s’amuser, surtout quand on est une femme56 ». En sortant Jocaste de sa destinée maternelle et des représentations essentialistes de sa sexualité, l’autrice ouvre la voie à d’autres représentations et à d’autres imaginaires que ceux imposés par la tradition psychanalytique pour penser le désir et le plaisir féminin.

14Le suicide du personnage dans l’Œdipe Roi de Sophocle est également réinterprété comme cri de révolte par l’autrice psychanalyste57. Loin de gémir sur sa couche, Jocaste « s’est redressée », « n’accept[ant] pas le verdict » des dieux et des hommes58. Par son geste, elle fait entendre sa rébellion contre l’aliénation et l’anéantissement :

D’accord ! elle mourra puisque c’est ça que tous souhaitent mais qu’ils n’interprètent pas cette mort comme un aveu ; jamais elle ne demandera pardon aux dieux, ni aux hommes. […] Elle n’est plus que rage impuissante, désir de clamer son refus, ce « non » aux dieux, à l’univers, à ses proches, ce « non » que hurlera son corps disloqué au moment où sa nuque craquera sous son poids59.

15Le cri poussé par Jocaste dans la mort donne son titre au roman et lui confère son unité. Il s’impose sous la forme d’une épigraphe en ouverture de l’œuvre, que l’autrice adresse au personnage de son histoire mais sans doute aussi à son lectorat, pour en appeler à la libération de la parole des femmes, prisonnières du silence :

Crie Jocaste, pour toutes les mères à qui on a enlevé leur enfant.
Crie pour toutes les épouses délaissées.
Crie pour toutes les femmes, boucs émissaires des fautes des hommes
Crie pour le silence que l’homme t’a imposé
Crie pour le silence que, par peur, tu t’es imposé à toi-même60.

16En écho à ce cri initial, le cri final de la protagoniste se propage jusqu’aux autres membres de sa famille, aux Thébaines et aux femmes, selon un mouvement centrifuge allant du privé au public, de la cité au monde :

Crie, Jocaste, crie pour Œdipe et tous les hommes qui n’ont
pas su se libérer de l’amour incestueux de leur mère.
Crie pour tes fils victimes de leurs folles rivalités fraternelles.
Crie pour Antigone et toutes les femmes qui se sont sacrifiées au devoir.
Crie pour Ismène et toutes les mères soumises qu’on a tendance à oublier.
Crie pour les Thébaines et toutes les femmes qui, à travers le monde, luttent pour sauvegarder leur goût du bonheur61.

17La clameur prend de l’ampleur, dépasse l’espace romanesque et le temps du récit, pour dénoncer les systèmes de domination qui oppriment chacune des figures féminines convoquées, antiques et contemporaines, en leur imposant une destinée aussi irrépressible que la fatalité tragique. Jocaste devient ainsi un emblème, une figure représentative de toutes ces femmes qui doivent dire « non » et sortir du silence pour se réapproprier leur existence. En faisant entendre leur voix, elles pourront ainsi échapper à cette mort symbolique qui les guette dans des discours qui ont tenté de définir ce qu’elles ressentaient et pensaient, ce qu’elles devaient être62, pour s’imposer dans le langage, dans les mythes et dans l’inconscient collectif.

Ériger de nouveaux modèles : la mémoire retrouvée

18« La négation de la femme peut et doit être surpassée, mais notre mémoire culturelle restera longtemps marquée par le passé patriarcal63 », écrit Skittecate dans Les Silences de Jocaste. La mémoire est ce qui fonde un héritage commun et partagé, or, comme le constate la psychanalyste, elle est avant tout forgée par des discours tenus par des hommes, qui créent et diffusent une image du féminin souvent dévalorisante. Les femmes cherchent ainsi dans la culture d’autres modèles auxquels s’identifier, d’autres représentations dans lesquelles elles puissent se retrouver :

Cette image positive d’elles-mêmes, les femmes commencent à la chercher dans l’art et la littérature. Il suffit de parcourir les titres en librairie : Mémoires d’Hélène, Les Enfants de Jocaste, Zut on a encore oublié madame Freud, pour constater qu’actuellement la parole est rendue, au moins mythiquement, à celles que l’on avait condamnées au silence : Jocaste, Ève, Hélène. Peu importe ce qu’elles sont censées dire, la nouveauté est que le mutisme (ou la « sidération ») n’est plus un dogme et qu’actuellement les femmes refusent d’abandonner au lyrisme ou au dogmatisme masculin le privilège de dire ce qu’elles sont ou voudraient être64.

19L’autrice cite l’ouvrage de Christiane Olivier, qui a été déterminant dans l’éclosion de la parole de Jocaste et dans l’avènement de toute une production littéraire et psychanalytique qui prend pour objet son désir et sa sexualité. Toutefois, Olivier n’aurait selon elle pas su rompre avec la vision freudienne de l’équivalence femme-mère et continuerait ainsi de définir la sexualité féminine dans sa culpabilité, en liant nécessairement désir de la femme et désir de la mère. Sa conception des rapports entre la mère et ses enfants resterait également tributaire, selon Francine Comte, de ces représentations65. Olivier affirme que la mère « qui ne peut trouver de complémentarité que dans le sexe de l’homme » fait de son fils un « objet sexuel » alors que sa fille ne l’est pas66. Cette asymétrie dans le comportement de la mère vis-à-vis de ses enfants a des conséquences sur leur vie future. Chacun veut accomplir au sein du couple « le fantasme des retrouvailles avec une mère encore jamais rencontrée : non étouffante pour l’homme et désirante pour la femme67 », et craint la répétition avec l’être aimé des mêmes tensions connues durant l’enfance : « comment retrouver la “mère” […] sans que se profile immédiatement l’ombre de Jocaste ? Le piège emprisonnant qu’elle a représenté pour son fils, l’étrange insatiabilité qu’elle a déclenchée chez sa fille68 ? » Traumatisés par la « marque engendrée par Jocaste au berceau69 », les hommes craindront d’être dominés et les femmes de ne pas être suffisamment aimées, ce qui induit des attitudes très différentes dans le couple : « l’homme a un besoin de liberté dans le couple qui surprend douloureusement sa compagne qui, elle, ne se prenait pas pour son ennemie et rêvait d’unité70. »

20Pour marquer et signifier son désaccord sur ce point, Skittecate a repris le titre de l’ouvrage de Christiane Oliver dans le chapitre 10, « les enfants de Jocaste71 », afin de réhabiliter cette relation mère-fille et de déculpabiliser la figure jocastienne. Elle met d’abord l’accent sur la difficile communication entre mère et fille, due à des siècles de silence imposé aux femmes, comme elle l’explique dans son ouvrage psychanalytique. « Mère et fille crevaient, toutes deux, du même désir de confidences et de tendresse mais sans jamais se l’avouer72 » et c’est finalement le cri poussé par Jocaste lors de son suicide qui met fin à cette aphasie. La mort de la mère constitue une rupture dans la vie d’Antigone et réoriente le roman73. La focalisation interne, qui permettait de connaître les sentiments et impressions de Jocaste, se déplace vers Antigone, dont sont désormais retranscrites les pensées :

Autrefois elle affrontait sa mère avec la bonne conscience de toute adolescente qui déteste et aime sa mère avec la même violence, lui reprochant tout et son contraire : son égoïsme et sa sollicitude, son arrogance et ses compromissions.
À présent elle a perdu tous ses repères ; c’est seulement depuis sa mort qu’elle a découvert la force de caractère de sa mère, son orgueil qui a osé braver la justice des dieux et des hommes74.

21Au moment où Antigone est amenée à relire son passé à l’aune de cette révélation, elle « comprend » sa mère75, lui pardonne et, dans le même temps, la réhabilite. Elle oppose son courage à la lâcheté qui caractérise les hommes de sa famille, qui ont fait de sa mère le bouc émissaire de leur propre culpabilité :

Se rappelant la légende de Thèbes, la gloire de ses ancêtres, Antigone, avec son bon sens d’adolescente, trouve injuste que les hommes de sa lignée : Cadmos, Laios, Œdipe se soient abandonnés sans contrôle à leurs passions mais que ce soit Jocaste, sa mère, toute pétrie de raison, qui soit punie de leurs excès76.

22L’autrice explore les liens mère-fille, seulement pensés dans leurs dimensions négative et destructrice par Christiane Olivier, dans l’objectif de mettre au jour une relation fondée sur l’émulation et sur la transmission. Dans le roman, six chapitres sont consacrés à l’errance d’Antigone aux côtés de son père aveugle77. Comme le suggèrent les titres des chapitres 15, « Œdipe et Antigone sur la route », et 16, « Antigone, la mendiante », l’autrice a pu s’inspirer du roman Œdipe sur la Route de Henry Bauchau (1990), dont la production littéraire autour du mythe d’Œdipe est également très influencée par l’interprétation psychanalytique78. L’exil d’Antigone sur les routes de Colone dans Crie, Jocaste, crie est assimilé à la « quête de sens79 » d’une femme construisant son identité. Antigone cherche dans le visage de la Jocaste pendue une réponse à l’énigme de sa propre destinée, celle qui, dans la tragédie de Sophocle, la condamne elle aussi à la pendaison, à l’étouffement et au silence, après avoir menacé l’ordre établi par Créon et les lois de la cité80. Par-delà sa mort, la mère est pour sa fille « un point ardent qui [la guide] et la rattache au cosmos81 ». Elle lui inspire l’orgueil et le souci de justice qui la poussent à revenir à Thèbes pour rendre les honneurs funèbres à son frère : « Autrefois sa mère lui avait transmis l’amour de Thèbes et de ses traditions, rien à faire, elle devait y retourner, quel que soit le destin héroïque ou banal qui l’y attendait82. » Derrière l’apparente fatalité imposée par la mère se cache plutôt, selon Skittecate, « un défi lancinant qui [l’] a obligé[e] à lutter sans cesse pour transcender [son] destin83 ». Une autre image que celle de la mère incestueuse s’impose alors dans la mémoire commune : en devenant une figure inspiratrice pour sa fille, Jocaste devient aussi un modèle d’émancipation pour les femmes.

L’étude croisée de l’ouvrage psychanalytique de Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste, et de son roman, Crie, Jocaste, crie, révèle les liens qui se tissent entre essai et fiction. Ces deux écrits mettent en exergue la place prise par Jocaste dans une production s’intéressant spécifiquement à sa parole, à son désir et à l’aliénation qu’elle subit pour penser la condition féminine. Dans son essai de psychanalyse, l’autrice s’appuie sur le personnage de l’Œdipe Roi pour proposer sa propre réflexion sur le rapport femme / mère et les structures de l’inconscient, comme l’ont fait avant elle Freud et ses disciples ou encore les psychanalystes féministes dont elle est plus directement l’héritière. Les silences qui entourent le personnage dans la tragédie antique, notamment au moment de son suicide, sont réinterprétés par Skittecate : loin d’être les signes de la culpabilité de la mère incestueuse, culpabilité dont, par extension, seraient marquées toutes les mères que le personnage incarne, ils symbolisent les effets destructeurs d’un ordre patriarcal qui étouffe la parole des femmes. L’inscription du personnage dans une dimension autre que celle qu’il occupe dans une œuvre donnée, en l’occurrence l’Œdipe Roi, son réinvestissement dans le cadre de pensées dépassant l’ordre de la fiction, le fait accéder au statut de figure. Skittecate part de la figure de Jocaste qu’elle a construite dans son ouvrage psychanalytique pour faire advenir une Jocaste romanesque. Dans Crie, Jocaste, crie, elle explore ainsi autrement l’inconscient des femmes, en suivant la perspective de ce personnage qui, de l’enfance à l’âge adulte, tente de s’affirmer dans un univers qui lui est hostile, pour imposer sa propre voix / voie. Le discours sur Jocaste laisse place au discours de Jocaste, un discours nourri des réflexions développées au sein de l’écrit psychanalytique. Le roman donne à lire l’affirmation d’une subjectivité et d’une agentivité, que l’autrice appelle de ses vœux dans Les Silences de Jocaste. Les deux écrits soulignent l’importance de faire émerger des emblèmes et des modèles pour les femmes, qui échappent aux représentations forgées par des discours tributaires de la pensée patriarcale, que ce soit en sciences humaines ou en littérature, et dans lesquels elles puissent se (re)connaître. Essais et écrits de fiction participent ainsi de l’élaboration d’un véritable mythe de Jocaste, indépendant du mythe d’Œdipe, exprimant des enjeux qui lui sont propres et qui sont liés à la place des femmes dans la société et à la manière dont elles se pensent et se disent. Le mythe de Jocaste devient ainsi, à travers les écrits de Skittecate et ceux avec lesquels ils dialoguent, un mythe féminin, si ce n’est un mythe féministe.Image 100002000000000F0000000FB2B99449.png

Notes

1 Sigmund Freud, Aus den Anfängen der Psychoanalyse: Briefe an Wilhelm Fliess, Abhandlungen und Notizen aus den Jahren 1887-1902, London, Imago, 1950, p. 238 : « Ich habe die Verliebtheit in die Mutter und die Eifersucht gegen den Vater auch bei mir gefunden und halte sie jetzt für ein allgemeines Ereignis früher Kindheit […]. Wen das so ist, so versteht man die packende Macht des König Ödipus trotz aller Einwendungen, die der Verstand gegen die Fatumsvoraussetzung erhebt, und versteht, warum das spätere Schicksalsdrama so elend scheitern mußte. » ; La Naissance de la psychanalyse : lettres à Wilhelm Fliess, notes et plans (1887-1902), traduit de l’allemand par Anne Berman, Paris, PUF, 2009 [1956], p. 198. Nous avons modifié la traduction de l’expression « packende Macht ».

2 La théorie du « complexe d’Œdipe » est exposée en 1900 par Freud dans Die Traumdeutung (L’Interprétation des rêves), et reprise en 1905 dans Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie (Trois Essais sur la théorie de la sexualité) et dans Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse (Leçons d’introduction à la psychanalyse) dans le cadre des cours qu’il donne à l’université de Vienne de 1915 à 1917.

3 Jean Laplanche, Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, sous la direction de Daniel Lagache, Paris, PUF, 1967, p. 80-81.

4 Pour ne donner que quelques exemples, voir Ödipus und die Sphinx de Hugo von Hofmannsthal (1906), La Machine infernale de Jean Cocteau (1934) et Œdipe ou le roi boiteux de Jean Anouilh (1978).

5 Colette Astier, « Œdipe », dans Pierre Brunel (dir.), Dictionnaire des mythes littéraires, Monaco, Éditions du Rocher, 1988, p. 1091 : « ainsi se crée un mythe de la psychanalyse, qui est peut-être à interpréter comme un mythe du mythe. »

6 Suzanne Saïd, Approches de la mythologie grecque, Paris, Nathan, « 128 », 1993, p. 104-108.

7 Citons les monologues Jocaste (1981) de la dramaturge belge Michèle Fabien (1945-1999) et Yocasta (2003) de l’autrice uruguayenne Mariana Percovich (1939-), la pièce Jocaste Reine (2009) de l’autrice franco-canadienne Nancy Huston (1953-), le poème « Jocasta » (1981) de l’autrice étatsunienne Ruth F. Eisenberg (1927-1996) et les romans Jocasta: the Mother-Wife of Oedipus (2010) des autrices étatsuniennes Victoria Grossack et d’Alice Underwood ainsi que The Children of Jocasta (2017) de l’écrivaine anglaise Natalie Haynes (1974-).

8 En 1914, Freud applique dans Zur Einführung des Narzissmus (Pour introduire le narcissisme) le concept de « complexe de castration » (Kastrationskomplex), qu’il formule comme l’angoisse pour le pénis chez le garçon, à ses théories sur la sexualité féminine, inventant ainsi l’« envie du pénis » (Penisneid) chez la fille. Cette théorie du monisme phallique est définitivement établie en 1917 et se maintiendra jusque dans ses derniers textes sur la sexualité féminine (Über die weibliche Sexualität, 1931). Le clitoris est alors défini par Freud comme un organe masculin atrophié, ce qui conduit la jeune fille à envier le garçon mieux doté qu’elle. Elle recherche alors l’amour de celui qui possède le pénis convoité, puis l’amour pour l’enfant comme équivalent de ce pénis, pour remédier à sa blessure narcissique due à ce constat d’impuissance.

9 Christiane Olivier, Les Enfants de Jocaste, Paris, Denoël/Gonthier, 1980.

10 Francine Comte, Jocaste délivrée : maternité et représentation des rôles sexuels, Paris, La Découverte, 1991.

11 Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste : essai sur l’inconscient féminin, Paris, Imago, 1995.

12 M. Fabien a repris des passages des Enfants de Jocaste de C. Olivier dans ses manuscrits et N. Huston écrit à la metteuse en scène Gisèle Sallin : « Je me souviens (vous aussi ?) d’un excellent livre paru dans les années 1980, Les Enfants de Jocaste, d’une psy, Christiane Olivier. J’avais fait quelques conférences sur ce livre, à l’époque » (Naissance de Jocaste Reine, Correspondance Gisèle Sallin-Nancy Huston novembre 2007 à mai 2008, Givisiez, Quoi qu’on die, Chroniques / Théâtre des Osses, Centre dramatique fribourgeois, « chroniques 4 », p. 5-6). Quant à M. Percovich, elle cite souvent dans ses entretiens Les Silences de Jocaste de Lucie-Anne Skittecate, en s’appuyant sur la traduction suivante : Lucie-Anne Skittecate, Los Silencios de Yocasta: Ensayo sobre el inconsciente femenino, traduit du français par Sara Vassallo, México, Siglo XXI, 2005.

13 Citons également l’autrice et psychanalyste belge Jacqueline Harpman (1929-2012) qui, avant d’écrire la pièce de théâtre Mes Œdipe (2006), a également développé sa propre interprétation psychanalytique de la pièce dans « Relire Sophocle », Revue Belge de psychanalyse, no 16, 1990. Contrairement à Lucie-Anne Skittecate, elle n’adopte cependant pas le point de vue du personnage féminin.

14 Christiane Olivier, Les Enfants de Jocaste, op. cit., p. 16-17 : « nous devons nous définir seules, le devoir des femmes psychanalystes se trouve là : écrire “l’autre psychanalyse”. »

15 Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste, op. cit., p. 182.

16 Christiane Olivier, op. cit., p. 14-15. Voir aussi p. 13 : « Freud fut le premier à tenter une démarche égocentrique, inverse de toute démarche scientifique : au lieu de prendre un objet d’étude dans le monde, il s’est pris lui-même comme objet de recherche et a confronté le schéma obtenu avec celui des grands mythes de l’humanité : Œdipe, Moïse, Michel-Ange. Alors pour LA définir (= la femme), il s’est contenté de regarder vivre la femme de 1880, petite-bourgeoise vivant à l’intérieur d’une famille conventionnelle aux rôles ancestralement bien définis. Cette femme occupait alors de façon évidente une “certaine place” plutôt qu’une “place certaine” et nous nous retrouvons devant une psychanalyse qui, preuves à l’appui (fournies par Freud, qui les puisait dans son milieu et sa famille), ne nous donne qu’une place étrangement réduite. » Dès 1949, Simone de Beauvoir avait montré les conséquences des théories freudiennes sur la construction identitaire des femmes et leur rôle dans la société dans Le Deuxième sexe, Paris, Gallimard, « Folio essais », 1976 [1949], t. 1, Destin, chap. 2 : « Le point de vue psychanalytique », p. 84 et sq.

17 Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste, op. cit., p. 7.

18 Christiane Olivier, op. cit., p. 16.

19 Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste, op. cit., p. 9.

20 Ibid., p. 11.

21 Ibid., p. 11-12.

22 Bien que l’autrice utilise souvent l’article défini pour opposer « la femme » à « l’homme », j’utilise pour ma part les guillemets pour marquer la distinction entre « la » femme, c’est-à-dire le fantasme qui correspond à des images stéréotypées et réductrices, et « les femmes » qui sont des personnes réelles aux identités plurielles et représentatives d’un groupe hétérogène.

23 Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste, op. cit., p. 11 et 14.

24 Ibid., p. 13.

25 Ibid., p. 14 : « Œdipe, après avoir tué son père et la Sphinge, épouse Jocaste, puis pousse au suicide cette mère incestueuse, se crève les yeux et mène ainsi au désastre ses fils et ses filles. Ne serait-il pas temps d’interroger ces récits fantasmatiques non plus du côté d’Adam ou d’Œdipe mais du côté d’Ève et de Jocaste, ces femmes jusqu’ici condamnées au silence ? »

26 Ibid., p. 10-11.

27 Cet article reprend des réflexions développées dans ma thèse de doctorat « Devenir Jocaste : naissances et renaissances du personnage de l’Antiquité à nos jours », codirigée par Véronique Gély et Marie-Pierre Noël, soutenue le 17 novembre 2023 à Sorbonne Université.

28 Ibid., p. 14.

29 Les titres des chapitres sont les suivants : « Années de jeunesse », « Mariage avec Laïos », « Mariage avec Œdipe », « Premiers doutes », « Inquiétudes », « La Peste », « la Malédiction », « Interrogations », « La Grotte », « Les Enfants de Jocaste », « Œdipe et les rebelles », « L’Assemblée », « La Mort de Jocaste », « l’Aveuglement d’Œdipe », « Antigone et Œdipe sur la route », « Antigone, la mendiante », « Solstice d’Hiver », « Quête de Sens », « Vers Colone », « Le devin », « Survivance de Jocaste ».

30 Voir partie 4 : « Ériger de nouveaux modèles : la mémoire retrouvée ».

31 Gérard Genette, Palimpsestes : la littérature au second degré, Paris, Seuil, « Poétique », 1982, p. 298.

32 Voir Ödipus und die Sphinx (1906) du dramaturge viennois Hugo von Hofmannsthal, La Machine infernale (1934) de Jean Cocteau ou encore le film Edipo Re (1967) du cinéaste italien Pier Paolo Pasolini.

33 Lucie-Anne Skittecate, Crie, Jocaste, crie, op. cit., 2, p. 22.

34 Ibid., 2, p. 20.

35 Ibid., 2, p. 26 : « les hommes guerroient, philosophent, gouvernent, rendent la justice ; les femmes sont censées leur servir de distraction, mais sans jamais rien entreprendre de sérieux. »

36 Ibid., 4, p. 42 : « Faut-il toujours se battre pour gouverner ? protestait-elle, beaucoup d’autres besognes me paraissent utiles : construire des palais, irriguer les terres, faire régner la prospérité. »

37 Ibid., 4, p. 42-43.

38 Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste, op. cit., p. 199.

39 Ibid.

40 Ibid., p. 17.

41 Sigmund Freud, Die Frage der Laienanalyse (1925), Gesammelte Werke XIV, Frankfurt am Main, S. Fischer, 1991, p. 241 : « Vom Geschlechtsleben des kleinen Mädchens wissen wir weniger als von dem des Knaben. Wir brauchen uns dieser Differenz nicht zu schämen; ist doch auch das Geschlechtsleben der erwachsenen Weibes ein dark continent für die Psychologie. » ; Ma vie et la psychanalyse suivi de Psychanalyse et médecine, traduit de l’allemand par Marie Bonaparte, Paris, Gallimard, 1968 [1950], p. 133 : « nous connaissons moins bien la vie sexuelle de la petite fille que celle du petit garçon. N’en ayons pas trop honte : la vie sexuelle de la femme adulte est encore un Continent noir (dark continent) pour la psychologie. »

42 Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste, op. cit., p. 9.

43 Lucie-Anne Skittecate, Crie, Jocaste, crie, op. cit., 13, p. 107.

44 Ibid., 13, p. 108.

45 Ibid., 13, p. 111 : « [les] hommes sont trop lâches pour reconnaître qu’ils se vengent sur elle de leur culpabilité cachée. »

46 Ibid., 5, p. 53-54.

47 Ibid., 2, p. 24 : « Une violence folle couve en Jocaste, elle voudrait tuer son mari pour avoir détruit ce qui aurait dû être un moment unique de sa vie. »

48 Ibid., 5, p. 53.

49 Ibid., 5, p. 54.

50 Lucie-Anne Skittecate, Crie, Jocaste, crie, op. cit., p. 13.

51 Voir à ce sujet la critique que fait Francine Comte de l’ouvrage de Christiane Olivier dans Jocaste délivrée, op. cit., p. 9 et p. 40-43.

52 Lucie-Anne Skittecate, Crie, Jocaste, crie, op. cit., 2, 17.

53 Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste, op. cit., p. 197.

54 Lucie-Anne Skittecate, Crie, Jocaste, crie, op. cit., 3, p. 32-33 : « Elle a ressenti quelque chose de totalement inattendu, comme si elle perdait conscience et en même temps éprouvait une énorme jouissance ignorée jusqu’alors. […] Pour la première fois, s’unir à un homme lui était une révélation qui se renouvelait chaque fois avec plus ou moins de bonheur. »

55 Ibid., 2, p. 27.

56 Ibid.

57 Sophocle, Œdipe Roi, v. 1237-1251. Lucie-Anne Skittecate, Crie, Jocaste, crie, op. cit., 13, p. 111 : « Là où les hommes argumenteraient, Jocaste n’a d’autre issue que le suicide ; à chacun sa façon d’aborder le sacré. »

58 Ibid., 13, p. 106 : « Les dieux sont fous de vouloir punir une ville entière pour une faute qui a été l’acte le plus exaltant de sa vie… Et puis non ! brusquement elle s’est redressée de sa couche : elle n’accepte pas le verdict, elle ne veut pas mourir ; ce sont les dieux qui sont coupables de lui avoir caché la vérité, pas elle qui n’a commis d’autre faute que d’aimer celui que la cité lui imposait d’épouser. »

59 Ibid., 13, p. 110. Au sujet de ce « non » des femmes, présent en littérature mais minoré ou rendu inaudible, nous renvoyons à l’essai de Jennifer Tamas, Au Non des femmes : libérer nos classiques du regard masculin, Paris, Éditions du Seuil, 2023.

60 Lucie-Anne Skittecate, Crie, Jocaste, crie, op. cit., p. 7.

61 Ibid., 21, p. 152-153.

62 Lucie-Anne Skittecate, Les Silences de Jocaste, op. cit., p. 7 : « Pendant des siècles, l’homme s’est cru habilité à édicter les lois et les théories qui nous gouvernent, et même à dire ce que la femme ressent et pense. »

63 Ibid., p. 203.

64 Ibid., p. 205.

65 Voir la contestation de ces théories par Francine Comte dans Jocaste délivrée, op. cit, p. 40-42.

66 Christiane Olivier, op. cit., p. 58 ; p. 59 : « Dans un premier temps, le sexe de la fillette n’est désiré par personne. »

67 Ibid., p. 126.

68 Ibid., p. 127.

69 Ibid., p. 128.

70 Ibid., p. 131.

71 Lucie-Anne Skittecate, Crie, Jocaste, crie, op. cit., 10, p. 81.

72 Ibid., 10, p. 84.

73 Ibid., 15, p. 119 : « Avoir découvert sa mère pendue a cassé sa vie en deux : il y a le temps d’avant la pendaison et celui d’après et elle aura beau se rebeller, la déchirure ne pourra que s’élargir. »

74 Ibid., 15, p. 119-120.

75 Ibid., 15, p. 120 : « Jocaste était censée attendre [Œdipe] en épouse fidèle et énamourée. Antigone qui, depuis toute petite, les observe sait qu’il n’en était rien, que Jocaste, en proie à ses peurs, ses colères, ses désillusions avait changé. Autrefois elle s’en irritait ; à présent elle la comprend. »

76 Ibid., 15, p. 119-120.

77 Chapitres 15 : « Antigone et Œdipe sur la route », 16 : « Antigone, la mendiante », 17 : « Solstice d’hiver », 18 : « quête de sens », 19 : « Vers Colone », 20 : « Le devin ».

78 Henry Bauchau a également écrit la pièce de théâtre La Reine en amont (1969) et le roman Antigone (1997), traitant du mythe thébain. Il écrit dans l’un de ses manuscrits que « Freud a créé un mythe moderne en partant de l’Œdipe Roi de Sophocle » (Henry Bauchau, « Comme Lévi-Strauss l’a remarqué », manuscrit ML 08556/0004-0007, 2013, Bruxelles, Archives du Musée de la Littérature).

79 Ibid., 18, p. 133.

80 Ibid., 18, p. 133 : « longtemps elle a lu dans le regard révulsé de la pendue le reproche d’elle ne savait quoi. »

81 Ibid., 17, p. 132.

82 Ibid., 20, p. 149.

83 Ibid., 21, p. 152.

Pour citer ce document

Cassandre Martigny, « Poétique du mythe de Jocaste : le nécessaire entrelacement de l’essai et de la fiction dans les écrits de Lucie-Anne Skittecate » dans Réception créatrice contemporaine des mythes et grands récits de l’Antiquité,
dir. par Ariane Ferry et Véronique Léonard-Roques

© Publications numériques du CÉRÉdI, « Les Carnets comparatistes du CÉRÉdI », n° 1, 2021

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Quelques mots à propos de :  Cassandre Martigny

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